Le déficit à combler est énorme. Il est estimé à 900 millions de litres. Encore une fois, l'Etat met la main à la poche. Pour désamorcer une grave crise de lait qui se profile dans six mois, l'Algérie importera 145.000 génisses. C'est ce qu'a affirmé le secrétaire général au ministère de l'Agriculture lors de l'ouverture, hier, du 1er Salon international du lait et dérivés (Silait) au niveau de la Safex à Alger. Un Salon organisé sous le patronage du ministre de l'Agriculture et du Développement rural en partenariat avec la Chambre nationale de l'agriculture. Cette décision d'importer des vaches est de nature à satisfaire la demande nationale estimée à plus de trois milliards de litres par an. «Cette mesure permettra de réduire la facture d'importation de lait en poudre, qui a atteint 600 millions de dollars par an, et de combler le déficit qui est estimé à 900 millions de litres», a indiqué hier, le secrétaire général du ministère de l'Agriculture. Dans six mois, le stock national de lait en poudre arrivera à son plus bas niveau. Les voyants sont déjà au rouge et l'alerte est donnée. Avec une consommation de 110 litres par an et par habitant, le lait demeure un produit stratégique pour le pays. En dépit de cela, c'est à six mois de la rupture des stocks que le ministère de l'Agriculture prend la décision d'importer des vaches. Une solution à très grands risques pour un produit qui relève de la sécurité alimentaire nationale. Comment peut-on lier le sort de millions de personnes, particulièrement des enfants, à une opération hasardeuse? Un simple problème bureaucratique, un vent violent en haute mer qui fera chavirer le bateau, une épidémie, une grève de vétérinaires, sont autant de risques qui peuvent surgir en dernière minute et mettre la vie de millions d'Algériens en péril. Cela parce que l'Algérie manque de stratégie à long terme. Un fait d'une extrême gravité. Cela étant, cette mesure d'importation n'a pas été du goût des paysans et des techniciens de l'élevage. «On ne peut même pas satisfaire le cheptel existant en matière d'aliments et on pense déjà à l'importation», lance un éleveur participant à ce Salon international. La problématique, selon un technicien, se résume à la conduite d'élevage et au manque de technicité. Les éleveurs étaient hier unanimes à dire que le problème du lait ne devrait pas exister en Algérie. «Nous avons des pâturages, nous avons des cheptels, nous avons des paysans..., qu'ils nous facilitent simplement la tâche pour travailler», ont-ils déclaré. Dans cet ordre d'idées, le secrétaire général de l'Union nationale des paysans algériens (Unpa), M.Allioui, a tiré à boulets rouges sur le ministre du Commerce, El Hachemi Djaâboub. «Ce sont les paysans qui connaissent les problèmes auxquels ils sont confrontés», a-t-il rouspété ajoutant que «ce n'est pas au ministre du Commerce de nous imposer ce que nous devons importer.» Pour lui, les agriculteurs ont leur tutelle qui est habilitée à parler en leur nom. M.Ben Youcef, le directeur de l'Office national interprofessionnel du lait (Onil), soulève un autre problème. Celui de la collecte de lait cru qui reste relativement faible. «C'est à cause de ces insuffisances que le pays a eu recours à l'importation de la poudre de lait en grandes quantités», a-t-il déploré. Etant donné que les prix de cette poudre ne cessent d'augmenter sur le marché international, il ne reste qu'une seule issue pour l'Algérie: celle de favoriser la production nationale et surtout le lait cru. En somme, la filière du lait souffre d'un éparpillement des intervenants qui entrave toute mise en place d'un management de qualité dans cette filière. C'est pour débattre de toutes ces questions que ce Salon a été d'ailleurs organisé. Une trentaine d'exposants ont pris part à ce rendez-vous international. Ce Salon, selon l'organisatrice Abla Boutemen, est un espace de convergence d'abord, parce qu'il constitue un lieu de rencontre physique entre les différents acteurs. Il est également un espace d'échanges. En ce sens, le Salon offre une opportunité d'échange expérimental. Il veut remédier le caractère désarticulé de la filière. L'Algérie dispose bel et bien de tous les moyens nécessaires à même de se démarquer des marchés boursiers, et atteindre ainsi l'autosuffisance en matière de lait et ses dérivés. C'est juste un problème de coordination entre les acteurs du secteur.