Plus de 300 cas de kidnapping ont été enregistrés par les services de la gendarmerie et de la Sûreté nationales en 2007, et 18 durant le premier semestre de l'année en cours. Le président de la Commission nationale consultative de promotion et de protection des droits de l'homme (Cncppdh) a appelé, hier, à la création d'un «tribunal spécial» chargé des cas de kidnapping d'enfants. S'exprimant dans le cadre d'une émission ouverte de la Radio nationale sur le phénomène du kidnapping d'enfants, Farouk Ksentini a indiqué que «nous avons proposé la création d'un tribunal spécial chargé des affaires de kidnapping d'enfants, même à titre provisoire, les choses ayant atteint un tel degré de gravité» et ce, afin que l'opinion publique nationale prenne conscience de la «pertinence et du sérieux» avec lesquels les responsables traitent ces affaires. Les lois algériennes qui sanctionnent les auteurs de kidnapping d'enfants sont «insuffisantes et nécessitent une révision, un amendement et une amélioration», a-t-il dit, qualifiant le kidnapping d'«acte terroriste». Après avoir rappelé que le «kidnapping d'une durée de plus de 10 jours est considéré aux yeux de la loi comme un crime et comme délit s'il dure moins», M.Ksentini a souligné que quels que soient sa durée et son objectif, cet acte est considéré comme «un crime et ses auteurs doivent être traduits devant un tribunal pénal» et de souligner que «toute personne qui porte atteinte à la vie d'un enfant ou d'une personne adulte ne mérite aucune miséricorde». Face à ce phénomène, l'invité de la Radio nationale a plaidé pour la prise en charge sérieuse et effective de ce problème, insistant sur la nécessité de revoir les textes de loi régissant ce phénomène. Cependant, le flou entoure la question du kidnapping d'enfants en Algérie, qui se manifeste particulièrement au niveau du cafouillage dans les chiffres avancés par les différentes institutions. Entre les chiffres de la gendarmerie, ceux de la police, les estimations du ministère de la Solidarité et les études du département de la Santé, c'est la pagaille. Aucune de ces institutions d'ailleurs n'est en mesure de confirmer ou d'infirmer aujourd'hui l'existence de réseaux de trafic d'enfants et d'organes. C'est dire à quel point la problématique nécessite d'être cernée. Entre-temps, ce sont les enfants kidnappés qui payent de leur vie les tergiversations des adultes. Plus de 300 cas ont été enregistrés par les services de la Gendarmerie et de la Sûreté nationales en 2007, et 18 durant le premier semestre de l'année en cours. Ce qui constitue, selon le président de la Commission des droits de l'homme, un danger majeur pour la nation, et une problématique récurrente depuis quelques années. D'autant plus que les textes juridiques prêtent parfois à confusion. Ajoutons que face à ce vide, les magistrats peinent à interpréter les lois pour sanctionner les auteurs d'atteintes aux enfants. «Les textes qui traitent de ces crimes ne sont pas suffisants et nécessitent une révision», ont-ils indiqué. De son côté, Fatma Ben Brahem, avocate à la cour, a, elle aussi, insisté sur ce problème, indiquant que la loi algérienne ne correspond pas à la situation actuelle, qui, soit dit en passant, trouve son origine dans la tragédie nationale. Elle a cité, à juste titre, l'exemple de l'amalgame qui peut se produire dans l'interprétation des mots «enlèvement», «rapt» et «kidnapping». Selon elle, ces trois mots clés qui, au sens de la terminologie ont le même sens, revêtent des significations tout à fait différentes, les unes des autres, dans le contexte juridique. En effet, la notion d'enlèvement peut prendre un aspect positif, dans le cas des divorces par exemple, quand l'un des parents enlève l'enfant à l'autre, cela relève de l'ordre affectif et non destructeur. Le rapt, lui tel qu'il est décrit dans les articles 294 et 295, constitue l'enlèvement d'une personne dans le but de «la séquestrer». Le kidnapping quant à lui, est considéré comme l'enlèvement d'une personne contre sa volonté dans le but de nuire. Toutes ces interprétations peuvent induire en erreur les magistrats et ainsi laisser passer des criminels à travers les mailles du filet. «Cela peut conduire les criminels à échapper à la loi, c'est pour cela qu'il faut mettre en place des textes de lois clairs pour punir ces actes abominables», a-t-elle déclaré. Elle a aussi évoqué la lenteur des démarches d'investigations et des délais, qu'il incombe aux services de la police et de la gendarmerie de respecter. «Il est important de réviser les délais d'ouverture de l'enquête», a-t-elle soutenu. En effet, ces délais qui comptent 24 à 48 heures, font perdre un temps précieux aux services concernés, qui voient les chances de retrouver l'enfant sain et sauf, s'amenuiser au fur et à mesure. Par ailleurs, tous les intervenants ont plaidé plus d'une fois, pour une campagne de sensibilisation des parents, des enfants et du milieu scolaire et éducatif, mettant en avant la responsabilité parentale et celle de la société civile dans la prévention et la lutte contre ce phénomène.