Quelque 3319 enfants en danger moral et physique, âgés entre 10 et 18 ans, vivant dans la rue, dont 990 filles, ont été interpellés, à l'échelle nationale, par les services de police durant l'année 2004, a révélé Mme Messouadène, chargée de la protection des mineurs au niveau de la direction générale de la Sûreté nationale, notamment dans les villes d'Alger, de Annaba et d'Oran. Les services de police ont rendu 2306 enfants à leurs parents et présenté 796 autres devant les juges des mineurs qui les ont placés dans les différents centres spécialisés. En l'espace de deux années (de décembre 2003 à septembre 2005), les services sociaux de la Solidarité nationale ont enregistré 18 387 personnes vivant dans la rue, parmi lesquelles 2 237 enfants de moins de 19 ans, dont 1384 enfants ont moins de 9 ans d'âge. Des chiffres alarmants qui restent, néanmoins en deçà de la réalité tant la problématique des « enfants de la rue » reste complexe et très profonde. Pour répondre à cette préoccupation, le ministère de la Solidarité nationale, en collaboration avec le Fonds des Nations unies pour l'enfance (l'Unicef) et le Samu social de Paris, a organisé hier un séminaire de formation à destination des psychologues, médecins, éducateurs, assistants sociaux coordonnateurs de cellules de proximité, mais aussi aux autres intervenants tels que les services de la justice et de la Sûreté nationale. Lors de cette rencontre à Alger, le ministre de la Solidarité nationale, Djamel Oul Abbas, a profité de l'occasion pour annoncer le lancement du Samu social enfants. Dans une première étape, des structures souples et mobiles seront installées dans les établissements de Diar Errahma à Alger, Constantine et Oran et rentabiliseront les activités des centres spécialisés de rééducation (CSR), des services d'observation et d'éducation en milieu ouvert (Soemo), des foyers pour enfants assistés (FEA). Il est question de faire état de la situation des enfants vivant dans la rue et d'analyser leurs besoins sur le plan psychologique et sanitaire. Pour une meilleure prise en charge « Le but est de contribuer au développement des connaissances sur les enfants de cette catégorie et à l'amélioration de leur prise en charge », a déclaré Djamel Ould Abbas, en laissant plusieurs questions soumises à débat :« Qui sont ces enfants vivant dans la rue ? Où sont leurs parents ? Comment font-ils pour vivre dans la rue ? Sont-ils rejetés de l'école ou de leur famille, exploités parfois par leurs propres parents, eux-mêmes réduits par la misère à la mendicité ? N'ont-ils pas d'autres espaces de vie ailleurs que dans la rue ? » Le ministre a toutefois précisé que l'une des causes les plus importantes qui a engendré ce phénomène est le terrorisme, « un facteur qui a aggravé l'exode rural et engendré un déracinement fatal à l'épanouissement de l'enfance et son évolution ». Lui-même s'est interrogé sur le nombre réel de ces enfants en disant qu'ils « vivent dans les rues des grandes villes par petits groupes ou isolés. Ils sont là sur les trottoirs, à vendre des cigarettes, dans les marchés à proposer toutes sortes de marchandises à la vente, on peut les voir mendier, effectuer divers travaux ou s'adonner à des larcins. Certains d'entre-eux sont physiquement marqués. Beaucoup sniffent la colle, un solvant industriel, ce qui va entraîner des conséquences désastreuses sur leur santé... ». Il a enfin annoncé également la création par l'Algérie, avec l'aide du Samu social international, d'un Samu international pour les enfants, chargé d'intervenir dans le monde entier pour apporter aide et assistance aux enfants vivant dans des conditions très difficiles, notamment dans les conflits armés en Afrique par exemple. Ainsi, le séminaire de formation qui s'achève aujourd'hui s'articule autour de trois axes, a noté M.Bouchenak, directeur général de la Solidarité nationale, à savoir l'enfance et l'exclusion, l'urgence comme premier maillon d'une chaîne d'actions pour les enfants en danger et enfin la mise en place du dispositif de prise en charge. « L'objectif recherché à travers cette formation est de définir les conditions générales de mise en place d'une structure d'assistance médicale et psychologiques et d'accompagnement des enfants en difficulté d'une manière générale et des enfants de la rue d'une manière particulière... », a-t-il déclaré. Lors de son intervention, Dr Xavier Emmanuelli, président du Samu social de Paris, a noté que les enfants ont le même comportement partout où ils sont. « Ce qui rend la stratégie de leur prise en charge également universelle, à des exceptions près, liées à la culture de ces pays. Les enfants qui vivent dans la rue est le plus grand scandale des cultures modernes » a déclaré Dr Emmanuelli. Il a expliqué que partout aujourd'hui la réflexion est axée sur la réinsertion de ces enfants dans la cellule familiale. Pour sa part, le représentant de l'Unicef à Alger, Raymond Janssens, a indiqué que le problème des enfants de la rue a constitué le thème du rapport de l'Unicef pour 2006. Pour lui, ce phénomène reste invisible et complexe. « Il est difficile de travailler sur les enfants exclus de toute structure, familiale, éducative ou sociale. Le lancement du Samu social enfant pourrait être un moyen qui nous permettra non seulement de faire le constat de cette situation, mais aussi de prendre en charge les enfants. »