Les critiques sur le vieux bâti témoignent de la nécessité d'un inventaire pour connaître, comprendre, sauvegarder et réhabiliter le patrimoine, qui est aujourd'hui en danger. La «réelle» prise de conscience des pouvoirs publics quant à l'importance de la réhabilitation du vieux bâti en Algérie a été unanimement soulignée à Constantine par les participants au Séminaire international qui s'achèvera aujourd'hui sur la réhabilitation et la requalification du patrimoine bâti. L'objet de cette rencontre consiste en l'étude approfondie du vieux bâti en tant que création architecturale et urbanistique portant témoignage d'une civilisation particulière et d'une transformation spécifique. La prise de conscience, quoique tardive, de l'état critique du vieux bâti a fait ressortir l'importance de le sauvegarder. Toutefois, l'absence d'une stratégie globale d'intervention, le manque de moyens et l'extrême fragilité des tissus urbains traditionnels constituent de fortes contraintes aux actions concrètes de sauvegarde. Contrairement aux rencontres qui se sont précédemment tenues sur le même thème, et qui s'étaient surtout attelées à sensibiliser et à démontrer l'intérêt de sauvegarder le vieux bâti, les travaux de cette rencontre qui ont débuté lundi au campus Ahmed-Hammani de l'université de Constantine, ont essentiellement focalisé sur la méthodologie à mettre en oeuvre en vue de la réhabilitation. M.Aberrahmane Khlifa, chercheur au Centre national de recherche en anthropologie sociale et culturelle (Crasc) jusque-là très critique sur les différentes expériences de réhabilitation de la Casbah d'Alger, a estimé que «ce n'est pas pour rien que des chercheurs de renommée internationale sont là, mais parce que les autorités locales ont décidé d'agir avant qu'il ne soit trop tard». Les autorités locales veulent aujourd'hui, a-t-il dit, que «l'outil de sauvegarde qui va être mis en place soit opérationnel et bénéficie de l'éclairage de grands spécialistes en la matière». Tout en affirmant que «les idées qui seront développées lors de cette rencontre seront bel et bien exploitées», M.Khlifa pense que «le choix de la vieille ville de Constantine comme chantier pilote en matière de réhabilitation du patrimoine bâti est très judicieux du fait que son site présente un double intérêt, naturel et historique», car, a-t-il encore relevé, «si l'on prend la peine de bien chercher, l'on y trouvera toutes les strates des différentes civilisations qui sont passées par là depuis plus de 25.000 ans». S'agissant de la réflexion sur les modalités pratiques de réhabilitation, la question des habitants des sites à sauvegarder figure parmi les points qui ont également focalisé les débats au cours de cette rencontre. Des intervenants ont fait remarquer dans ce sens que, souvent, les habitants des vieilles villes à sauvegarder n'ont d'autre souci que d'accéder à la modernité et au confort qu'elle offre. Il est faux de penser, ont estimé d'autres intervenants, que l'habitant de la vieille ville n'a pas le niveau culturel requis pour pouvoir apprécier la valeur historique ou architecturale du bâti qu'il occupe, il suffit, selon eux, de «savoir comment lui présenter la question pour obtenir sa coopération et son adhésion». «Toutes les expériences, qui ont écarté la population d'origine des médinas, ont échoué», a dit dans ce sens M.Nadir Boumaza, universitaire, chercheur au Centre national de recherche scientifique (Cnrs, France) car, a-t-il relevé, «l'intérêt de la sauvegarde d'une vieille ville est avant tout culturel, or on s'est aperçu que c'est la population qui fait cette culture». Enfin, toutes ces critiques et débats sur le vieux bâti sont, avant tout, des témoignages sur la nécessité d'un inventaire pour connaître, comprendre, sauvegarder et réhabiliter le patrimoine, qui est aujourd'hui en danger d'abandon ou de disparition et de dénaturation par méconnaissance ou par ignorance.