Le Président, qui ne dédaigne aucun sujet tabou, refuse toutefois d'agir sous la pression. Des sources crédibles et concordantes indiquent que des réunions au sommet ont eu lieu ces derniers temps en vue de débattre des modalités pratiques liées à la probable levée de l'état d'urgence après les législatives du 30 mai prochain, l'installation de la nouvelle chambre basse du Parlement algérien. Cette mesure, apprend-on, répond au voeu maintes fois exprimé par le Président de la République, de normaliser la vie institutionnelle, associative, démocratique et politique dans le pays. Elle répond aussi aux divers appels en faveur de mesures d'apaisement concrètes, cherchant à rétablir un contact sain et correct entre gouvernants et gouvernés. Cette revendication, on s'en souvient, constitue l'un des voeux les plus chers du Parti des travailleurs et du front des Forces socialistes, deux partis résolument inscrits dans une ligne de règlement politique et pacifique de la crise sécuritaire qui secoue l'Algérie depuis plus de dix années. A la suite de la mise en application de la concorde civile et du décret portant grâce-amnistiante, ce sont des voix proches du pouvoir, qui ont repris en écho cette revendication. Des voix, il faut le dire, qui ne peuvent nullement être ignorées, ni prises à la légère. Le chef de cabinet du Président, Larbi Belkheir, il y a de cela deux mois, avait accordé un entretien au journal français le Monde pour plaider, entre autres, en son nom personnel en faveur de la levée de l'état d'urgence. Plus récemment, sur les ondes de l'Entv, Me Mustapha Farouk Ksentini, président de la Commission nationale consultative de promotion et de défense des droits de l'homme a, lui aussi, abondé dans ce sens. Des voix indépendantes, mais fort conscientes des enjeux en cours, ainsi que des besoins réels exprimés par le peuple, ne sont pas demeurées en reste. Le directeur de publication de L'Expression, invité, une émission télévisée il y a environ une quinzaine de jours, avait longuement disserté sur la crise qui secoue la Kabylie pour dire que la satisfaction de la cause identitaire est loin d'être suffisante pour étouffer la colère et les rancoeurs. Outre la nécessaire levée de l'état d'urgence, Ahmed Fattani, en en irritant plus d'un, avait demandé qu'une enveloppe d'un milliard ou deux soit allouée au profit du développement économique et social de cette région en attendant d'en faire autant pour d'autres zones déshéritées du pays, et ce à partir des très conséquentes réserves de change dont s'est doté le pays au prix d'énormes sacrifices consentis par le peuple. Le chef de l'Etat, pour sa part, à l'occasion de sa rencontre avec les délégués des ârchs pour annoncer la satisfaction d'une partie des revendications contenues dans la plate-forme d'El-Kseur, avait affirmé être prêt à débattre de tous les sujets tabous, à satisfaire plus d'un, si tant est qu'ils soient réalisables, mais à condition de n'être jamais amené à agir sous la pression ou le chantage, qu'ils soient politiques, populaires ou autres. Dans une République digne de ce nom, en effet, toutes les décisions d'importance capitale doivent être prises dans une totale sérénité, après mûre réflexion et loin de toute forme de pression ou de chantage. Pour rappel, l'état d'urgence, intervenu à la suite de l'état de siège, avait été décrété par feu Mohamed Boudiaf afin d'aider la lutte contre le terrorisme islamiste. Il avait été approuvé, à cette époque, par le défunt CNT (Conseil national de transition). L'APN, advenue en 1997, avait reconduit ce décret, ce qui lui a donné une teinte plus «démocratique», si tant est qu'il soit permis de parler de démocratie dans ce genre de choses. Le Président de la République, qui a annoncé que le préalable à son plan de redressement national, est le rétablissement de la paix, y a consacré trois années de son mandat sans que le crime ne baisse de manière significative. La levée de l'état d'urgence, si elle venait à être confirmée, pourrait signifier une accélération du chef de l'Etat sur ce qu'il qualifie de concorde nationale dans son plan de règlement de la crise sécuritaire et politique qui secoue le pays depuis l'interruption du processus électoral en janvier 1992.