En a-t-il trop fait? C'est la question qui se pose après la sortie intempestive du candidat démocrate américain à l'investiture présidentielle. Naïveté, pris d'emblée dans les rets du lobby pro-israélien? Sans doute tout cela à la fois. Le fait est que la sortie intempestive du candidat démocrate à l'investiture présidentielle américaine, Barack Obama, relativise largement les circonstances atténuantes qui pouvaient être accordées à un politicien qui se présente comme un «homme neuf» qui veut «le changement» et qui a une «vision neuve et nouvelle pour le peuple américain». Mais il ne suffit pas d'être Noir -cela dit sans aucune connotation raciste ou autre- pour se dire être l'homme de la situation. On note seulement que M.Obama, - dès que sa candidature au scrutin présidentiel du 4 novembre a été officialisée - s'est précipité au siège du lobby américain pro-Israël (l'Aipac, American Israël Public Affairs Commettee) où il fit la toute première et tonitruante intervention sur le dossier israélo-palestinien et sur la présumée menace iranienne, disant ce qu'Israël voulait l'entendre dire. Ainsi, à propos des Palestiniens, le candidat démocrate promet de «s'engager personnellement» pour aider Israël «à établir deux Etats, un Etat juif d'Israël et un Etat palestinien vivant côte à côte dans la paix et la sécurité» et d'ajouter: «Jérusalem doit rester la capitale d'Israël» et «demeurer indivisible.» C'est là que M.Obama outrepasse son rôle et montre qu'il est loin de maîtriser un dossier vieux de 60 années, comme il n'appartient pas à Israël de «créer» l'Etat palestinien lequel figure dans la résolution (181) de partage de la Palestine historique opéré en 1947 par le Conseil de sécurité. Le problème reste en fait l'application par Israël de cette résolution onusienne toujours en suspens. Quant à Jérusalem-Est, c'est une question qui figure en tête des points en négociation entre Israël et l'Autorité autonome palestinienne au même titre que la question des frontières, du statut de l'Etat palestinien et du retour des réfugiés. D'autre part, la communauté internationale et, notamment le Conseil de sécurité - ce que M.Obama aurait dû savoir - ne reconnaissent pas l'annexion en 1981 par Israël d'El Qods (Jérusalem-Est) et du Golan syrien. M.Obama est allé un peu vite en besogne voulant sans doute rattraper le retard cumulé par rapport à son concurrent républicain, John McCain en campagne depuis mars dernier, pour savoir qui sera le plus pro-israélien que les Israéliens eux-mêmes. Sur sa lancée, Barack Obama pointe également du doigt l'Iran qui constituerait, selon le candidat démocrate, l'ultime danger, affirmant devant les congressistes de l'Aipac, principal lobby pro-israélien aux Etats-Unis, qu'«il n'y a pas de plus grande menace pour Israël et pour la paix et la stabilité dans la région que l'Iran». «Le danger iranien est grave et réel et mon but sera d'éliminer cette menace», a-t-il encore estimé. Néophyte en politique internationale, Barack Obama a été mené par le bout du nez, s'exécutant en déclarant ce que le lobby pro-israélien voulait entendre dire du possible futur président américain. Et M.Obama est tombé la tête la première dans le piège, plaçant de fait les intérêts d'Israël avant ceux de son propre pays, les Etats-Unis. On ne l'a toujours pas entendu quant à ses projets concernant le devenir des contingents américains en Irak et en Afghanistan notamment, alors qu'une majorité d'Américains est contre ces guerres, initiées par l'administration républicaine de George W.Bush, guerres qu'ils estiment n'être pas celles des Américains. Outre le fait qu'il n'a pas su raison garder, le candidat démocrate à l'investiture présidentielle, semble quelque peu dépassé par les responsabilités qui pourraient lui incomber demain en se faisant dicter, avant même d'arriver à la Maison-Blanche, ses règles de conduite par le puissant lobby pro-sioniste. Voilà un faux pas, pour ne pas dire plus, qui n'est pas bon pour la paix. A quel titre, en effet, M.Obama, une fois président des Etats-Unis, pourrait-il se présenter comme le parrain du processus de paix alors que, déjà, il a fait son choix pour Israël? Les Palestiniens sont, dès lors, en droit de récuser la médiation américaine. De fait, les Palestiniens sont furieux et en colère contre les déclarations de Barack Obama à propos de Jérusalem. Le président de l'Autorité palestinienne, Mahmoud Abbas, a ainsi rejeté en bloc les déclarations de M.Obama sur Jérusalem, affirmant: «Nous rejetons ces propos. Jérusalem est l'un des dossiers en cours de négociation. Tout le monde sait parfaitement que Jérusalem-Est a été occupée en 1967 et nous n'accepterons pas un Etat sans Jérusalem, cela doit être clair». «Le discours d'Obama détruit tout espoir d'un changement dans la politique américaine sur le conflit arabo-israélien», souligne, de son côté, le porte-parole du Hamas, Sami Abou Zouhri. Ces propos amenèrent le porte-parole du département d'Etat américain, Sean McCormack, a préciser la donne et à rappeler que pour Washington c'était «aux parties en présence» de régler la question du statut final de Jérusalem, indiquant que «la question des frontières et du droit (des Palestiniens) au retour ainsi que tout un ensemble de questions politiques sensibles et importantes doivent être résolues par les deux parties», a-t-il dit. Les Iraniens non plus n'ont pas apprécié et n'ont pas laissé passer les déclarations irresponsables du candidat démocrate, affirmant: «Il est indéniable que la nature du programme nucléaire iranien est pacifique», a ainsi déclaré le porte-parole du ministère iranien des Affaires étrangères, Mohammed Ali Hosseini, cité par l'agence officielle Irna. Les déclarations de M.Obama sont «évidemment partiales et des fabulations qui sont totalement contraires à la nature du programme nucléaire pacifique de l'Iran, et donc inacceptables». Au total, outre maladroites, les premières déclarations officielles du candidat démocrate à l'investiture présidentielle américaine auront été totalement négatives et ont instauré le doute, faisant craindre d'autres dérapages qui feraient passer George W.Bush, pour un personnage pondéré sachant raison garder. Ce n'est certes pas facile de présider aux destinées de la première puissance mondiale, mais rien non plus n'obligeait M.Obama à se précipiter à l'Aipac pour faire allégeance au lobby pro-israélien.