L'effervescence qui caractérisait les rendez-vous d'autrefois n'est plus de mise. Que dire de l'ambiance qui caractérise les jours qui précédent le rendez-vous électoral du 30 mai prochain en Kabylie, si ce n'est qu'elle est terne, morose et chargée de peur. L'effervescence qui caractérisait les rendez-vous d'autrefois n'est plus de mise. Les citoyens, dans leur majorité, ne sont pas bavards sur ce sujet, de peur d'être taxés et montrés du doigt. Les partisans du rejet des élections, plus nombreux, sont les seuls à avoir droit au chapitre. La honte ou la peur de parler d'élection bloque toute initiative allant dans le sens d'un véritable débat électoral. L'absence de débat contradictoire empêche de mesurer les intentions des uns et des autres, ce qui, au demeurant, risque de se présenter comme un fait accompli. Si ce n'est pas pour parler du rejet des élections, il vaut mieux se taire au risque de se voir coller une étiquette. Ce message ainsi distillé fait que dans les rares débats contradictoires entre citoyens ressortent un certain scepticisme et de l'indifférence. Si pour bon nombre de citoyens le geste d'aller voter a perdu sa signification, les autres en revanche, tout en se montrant favorables au boycott, s'interrogent sur l'absence d'alternative et les retombées d'une décision qui semble unanime, mais qui ne l'est pas en fait. Ulac l'vote ulac, message lancé par le mouvement citoyen est repris en choeur par les acteurs politiques, la prédisposition au boycott est saisie au vol par les principales formations politiques de la région pour en faire un cheval de bataille en multipliant des sorties publiques à telle enseigne qu'ils veulent faire croire qu'ils en sont les initiateurs. Ils oublient cependant qu'ils ont une grande part de responsabilité de cet état de fait car, pour le citoyen, le rejet des élections est motivé, au-delà de la non-satisfaction des revendications citoyennes, par les promesses non tenues par les élus sortants. Faisant fi de cette réalité, les partis politiques saisissent cette opportunité pour reconquérir les espaces perdus. Ce qui désole le plus les citoyens demeure l'absence de propositions alternatives. Du «syndicat politique de l'Algérie» du FFS à «la locomotive démocratique» du RCD, la Kabylie fait l'objet d'une convoitise sans pareille. L'adversité est aussi de mise entre les deux formations politiques influentes dans la région alors que la situation impose une entente, constate amèrement ce vieux routier de la chose politique. «Au lieu de s'entendre sur une démarche commune de sortie de crise, ils continuent à se décocher des flèches», renchérit cet étudiant. «Nous assistons aux mêmes querelles d'il y a dix ans», explique ce commerçant. Chacun a sa méthode, ajoutent nos interlocuteurs. Pendant que l'un joue sur la fibre sentimentale, l'autre se donne des airs du plus fort. Dans tout ce brouhaha des partis politiques, une seule absence est relevée: une démarche productive d'espoir pour une population désabusée. Si les méthodes diffèrent d'un parti à l'autre, l'objectif reste le même ; celui d'embrigader une région en mal de stabilité depuis plus d'une année. Quant aux candidats en lice, qu'ils soient indépendants ou issus des partis politiques, leur ambition est mêlée de peur. Pour les citoyens, «il ne suffit pas de déposer son dossier de candidature, encore faut-il faire quelque chose pour changer l'ordre établi». Aucune affiche n'est visible. Très peu de noms sont connus des électeurs. En somme, rien ne se fait pour détendre l'atmosphère très pesante. Autre élément, et non des moindres, qui donne des soucis à nos interlocuteurs, la donne islamiste qui ne semble nullement inquiétante. Ceux qui ont l'habitude de la brandir comme menace à chaque rendez-vous électoral ne semblent pas s'en inquiéter outre mesure. Connaissant la forte mobilisatrice de l'électorat islamiste, les prochaines législatives risquent de leur réserver une belle surprise. Le scrutin du 30 mai prochain est loin de ressembler aux élections passées. La conjoncture actuelle semble favoriser le front antivote dans lequel s'inscrit le mouvement citoyen vite rejoint par les formations politiques influentes dans la région.