L'Ugta a choisi le moment et le lieu pour frapper fort au coeur des réformes que se prépare à lancer le pouvoir. Pour la première fois de toute l'histoire de l'Algérie indépendante, le syndicat a célébré la Fête des travailleurs en compagnie des syndicats patronaux. Tous s'étaient donné rendez-vous mardi, au complexe sidérurgique de Annaba. Une occasion en or pour le patron de la Centrale, Sidi Saïd de donner la réponse de l'Ugta au plan de privatisations que se propose de lancer dans les tout prochains jours le département de Noureddine Boukrouh. Sidi Saïd, trubin talentueux qui a su enflammer les quelque 6.000 travailleurs qui ont répondu à l'appel, estime que Boukrouh a mis en branle un plan dogmatique, ne reposant donc sur aucun fondement scientifique. Sinon, s'écriera-t-il, comment expliquer que des entreprises qui ont payé très cher le prix de leur redressement soient mises en vente alors qu'elles se portent à merveille aujourd'hui? Comment, surtout, parler de privatisation pure et simple, alors qu'un fonds d'aide à la relance, de préparation des entreprises à la privatisation, a été débloqué? Serait-ce, en effet, trahir quelque secret, que de dire qu'une entreprise redressée coûtera beaucoup plus cher qu'une autre en faillite et dont personne ne voudrait même au dinar symbolique. Ce que l'Ugta rejette, donc, dans le fond et dans la forme, comme il nous a été donné de le confirmer hier auprès de Badreddine, secrétaire national chargé des affaires économiques, le projet de Noureddine Boukrouh. Elle accuse, en outre, le pouvoir de mettre ses partenaires devant le fait accompli en faisant tout, tout seul, avant de leur exposer le résultat de ses travaux. Cela avait été le cas pour l'accord d'association Algérie-UE, cela est également le cas pour la privatisation. C'en est trop pour la centrale, rejointe par l'ensemble des syndicats patronaux, tous prêts à en découdre avec les autorités afin que soient préservés l'outil de production, le secteur public viable et le pouvoir d'achat. Le choix du site est, de ce fait, loin d'être fortuit. Sidi Saïd, en effet, a opté pour l'ex-complexe d'El-Hadjar pour montrer de quelle manière peut réussir un partenariat intelligent, mûrement réfléchi et ne lésant aucune des parties contractantes comme le montre si bien la fusion Ispat-Sider. Le P-DG du complexe, en prenant la parole, s'était déclaré particulièrement ému par ce rassemblement venu mettre à l'honneur la toute nouvelle expérience sidérurgique dans le pays. Ainsi, ce 1er mai annonce-t-il une révision dans les relations entre le pouvoir et ses partenaires sociaux. Un bras de fer s'annonce entre eux? De son issue dépendra en grande partie l'avenir socio-économique du pays. Sidi-Saïd, en outre, a animé un second meeting, hier, au centre de formation syndicale de Annaba, et cela en présence du ministre du Travail et de la Protection sociale, M.Abdelmoumène. Le secrétaire général de l'Ugta a, à cette occasion, mis en exergue le drame que vit le monde du travail, insistant particulièrement sur la nécessité de protéger les emplois préexistants d'en créer d'autres, de mettre en place des couvertures sociales efficientes et de revoir à la hausse le pouvoir d'achat de l'Algérien moyen.