Un jeune détenu a encore tenté de se suicider durant la nuit de mercredi à jeudi. Le lendemain matin, ses codétenus ont éteint un feu qui a commencé à se propager rapidement dans la literie de la salle, et qui, vraisemblablement, a été allumé par le même jeune, excédé par les offenses dont il était la cible. Cette nouvelle tentative de suicide et d'incendie intervient le lendemain de la tragédie qui a vu périr dans le feu dix-neuf détenus de la cellule n°10 et qui a relancé le débat dans les milieux politiques et médiatiques au sujet des conditions de détention et des droits de l'Homme en milieu carcéral. Un responsable de la sécurité de la zone de Bab Djedid et Bab El-Oued nous a longuement parlé de cette poudrière placée sur les hauteurs d'une agglomération urbaine et qui, loin d'être un centre coercitif, ressemble plutôt à une école des durs, et qui forme, de par ses conditions de détention, la tranche d'âge majoritaire qui s'y trouve (19-25 ans) et l'exiguïté des cellules, des marginaux. Comme il l'avait promis la veille, Ouyahia a immédiatement pris des mesures préventives et conservatoires à l'encontre de certains gardiens de prison vers lesquels un doigt accusateur est pointé. Ces derniers sont accusés, par des détenus, d'abus d'autorité, de trafic d'influence, de «commerce» et autres dérives encore plus graves. Ouyahia, en sa qualité de ministre de la Justice, avait saisi le procureur de la République et déclenché une enquête judiciaire. C'était en principe après les résultats de cette enquête qu'il devait se prononcer, mais devant l'acuité des problèmes soulevés et l'insistance des détenus, il décida de prendre des mesures conservatoires, donc administratives, aux fins d'apaiser les tensions et les esprits chauffés à blanc depuis quatre jours. Plusieurs gardiens, dont un responsable, sont, de fait, écartés et des délégués de chaque cellule, de chaque salle, seront entendus encore, et leurs doléances prises en charge immédiatement. Une grave mutinerie qu'on a qualifiée de «cabale montée contre lui aux fins d'avoir sa tête». Des décisions urgentes et sérieuses doivent être prises immédiatement pour endiguer un phénomène de ras-le-bol général qui touche pratiquement toutes les prisons d'Algérie. Sur environ 150 prisons en Algérie, on estime qu'au moins 100 datent du début du siècle dernier et ne répondent plus aux normes en matière carcérale. La population dans ces établissements pénitentiaires dépasse les 50.000 pour un ensemble de 36.000 places admises dans les prisons qui existent. Un constat de désolation totale.