Le ministre de la Justice a improvisé un point de presse, hier vers 14h 30, dans l'enceinte même de l'établissement pénitentiaire de Serkadji. D'emblée, le ministre de la Justice Ahmed Ouyahia a tenu à préciser que les islamistes présents dans le pénitencier de Serkadji n'étaient impliqués ni dans l'incendie qui a fait 19 morts et 6 blessés parmi les détenus de droit commun de la salle n° 10 ni dans la mutinerie qui a éclaté le lendemain. Cette idée évacuée, le ministre de la Justice et président du RND, pouvait alors, en toute quiétude, parler de «l'affaire» en lui déniant toute couleur politique majeure. Selon le ministre de la Justice, la chronologie des faits a commencé comme cela: dans la nuit de mardi, vers 22h30, un jeune détenu âgé de 19 ans à tenté de se suicider en se tailladant les veines à l'aide d'une lame de glace obtenue dans les bris du néon qu'il avait cassé auparavant. Devant les cris et le sang de leur compagnon, les autres codétenus de la cellule n°10, au nombre de vingt-six, ont commencé à s'agiter et à brûler leur literie. «Le feu a pris rapidement et avant même l'arrivée des secours, 14 détenus avaient déjà péri», affirme Ouyahia. «Le lendemain matin, 4 autres blessés ont succombé à leurs graves brûlures», ajoute le ministre, visiblement fatigué par toute une nuit de veille à la prison de Serkadji et de pourparlers avec les jeunes détenus, agacés et énervés par leurs conditions de détention. «La plupart sont des jeunes d'entre 20 et 25 ans qui ont grandi dans la violence que connaît le pays, il est presque normal de les voir adopter des comportements violents, agités», insiste Ouyahia, qui affirme: «D'autres détenus, plus âgés, n'ont pas quitté leur cellule et ont gardé la tête froide durant toute la durée de ces événements.» Hier matin, le ministre de la Justice dit être entré en discussions avec les jeunes et avoir obtenu qu'ils se calment et calment les esprits de leurs codétenus en attendant que le cours des choses reprenne dans la prison. Toutefois, vers 11h30, un début de mutinerie éclate dans la salle n° 10. Les autres mutins viennent en renfort, et rapidement les couloirs, les corridors et les terrasses sont investis par au moins 200 détenus. «Je suis entré en négociations avec les détenus vers 13h, et j'ai discuté avec les délégués et porte-parole des prisonniers. La tension a baissé et comme vous pouvez le constater (vers 14h30, ndlr) tout est rentré dans l'ordre», affirme Ouyahia. Visiblement pressé de regagner les salles pour s'enquérir de l'état des détenus, il ajoute: «Les détenus vont déléguer 2 porte-parole par salle et vous devez m'excuser de mettre terme à ce point de presse.» Mais pressé par les questions des journalistes, il répondra toutefois à quelques-unes. Pour le ministre, la prison de Serkadji est trop exiguë pour accueillir tous les détenus. «Au moins 200 à 250 de nos citoyens sont en surplus», dit-il. Quant aux tenants et aboutissants de l'affaire, il a affirmé que puisqu'il y a eu mort d'homme, le procureur de la République a été saisi et qu'une enquête judiciaire a été ouverte. «C'est cette enquête, a-t-il dit, qui déterminera les causes et les circonstances de l'incendie et de la mutinerie, à quelque niveau que soient les responsables, on appliquera sur eux toute la rigueur de la loi.» Pour Ouyahia, s'il y a des entorses à la loi dans le pénitencier, elles seront corrigées et s'il y existe des manquements à l'égard des détenus, elles seront comblées. Car n'oublions pas que les détenus sont des citoyens algériens à part entière, même si la loi les a punis pour une raison ou une autre. A un mois des élections législatives, tournant décisif pour le RND, car il déterminera son véritable poids et son incidence politique pour les années à venir, Ouyahia paraît plus fragile que jamais. Est-ce sa tête qu'on veut? Ou est-ce au moment inopportun qu'est intervenue cette affaire qui le met, de fait, dans la tourmente? Quoi qu'il en soit, en évitant d'attaquer de front les islamistes dans leur propre fief de Bab Ejedid, le ministre de la Justice essaye de contourner un écueil qui a constitué son credo pour les élections législatives du 30 mai.