Le bilan est diversement apprécié. Trente-cinq personnes assassinées en 24 heures, et près de 350 depuis le début de l'année, dont 100 terroristes. Tel est le bilan des quatre premiers mois de l'année 2002, et qui a tout l'air de vouloir grossir, chemin faisant. Le ratissage de Sidi Ali Bounab a pris fin vendredi, après trois semaines de maillage, de bombardements et de tirs continus, le bilan est diversement apprécié. Les uns estiment que les 26 terroristes éliminés, les dizaines de caches détruites et les armes récupérées sont un synonyme de réussite, d'autant plus évidente qu'il s'agit d'un combat mené dans une région qui ressemble à une véritable forteresse et contre des hommes rompus à la guerre d'usure. D'autres, plus sceptiques, pensent que la vingtaine d'hommes neutralisés ne correspond pas aux résultats escomptés. La capture de Hattab, annoncée, certes, par les médias, ne s'est pas produite, les incursions du Gspc, et les rackets ont continué à se produire dans la proche périphérie de Draâ Ben Khedda, Draâ El-Mizan et Maâtkas et le gros des troupes du Gspc reste encore «opérationnel». La juste mesure est d'y voir une bataille de gagné dans cette «guerre résiduelle» qui n'est pas encore terminée, et ne le sera pas avant très longtemps. Le déploiement des GIA à l'Ouest devient inquiétant. Et là encore, ce ne sont pas les opérations de ratissage qui en viendront à bout. Tout comme les cellules urbaines de poseurs de bombes, qui restent à identifier, et qui ne seront pas inquiétés par les ratissages menés çà et là, tant qu'elles restent bien implantées dans le tissu des villes. Les massacres de Ksar Chellala, de Tiaret, de Oued Fodda, de Tenès, de Larbaâ, de Rovigo, de Ouled Slama, de Baïnem et dernièrement, du centre d'Alger (deux adolescents assassinés) sont l'oeuvre de petits groupes autonomes composés de deux, quatre, ou six personnes qui se fondent dans la foule disparate des villes et s'éparpillent au lever du jour. Impossible de les identifier sur le coup. C'est monsieur tout-le-monde. Entre Ksar Chellala et les premières grandes villes avoisinantes, à l'Est ou à l'Ouest, il y a au moins 70 km (74 vers Aïn Oussara et plus de 100 vers Tiaret). En revanche, au passage, des hameaux, des villages, de bourgades, des bicoques de fortune dressées par les pasteurs nomades (employés chez les riches propriétaires terriens ou de bétail), ce sont bien ces maisonnées qui offrent le meilleur accueil aux groupes armés, et non les maquis rocailleux de la région. D'où il sera plus difficile de sortir que d'y entrer. Le temps des grands rassemblements terroristes dans un point de chute commun, comme ce fut le cas entre 1994 et 1997 à Zbarbar, Bouzegza, Bahrara, Boukhil, Aïn Defla, etc., est révolu. Les nouvelles mutations effectuées par les groupes armés ont élaboré un organigramme «revu à la baisse». Les factions armées n'excèdent pas les huit ou dix éléments. Les cellules urbaines, actives ou de soutien, dépassent rarement trois ou quatre éléments. La série d'attentats à la bombe, qui a fait le tour d'Alger (La Concorde, El-Harrach, Belcourt, la Grande-Poste, Birkhadem, El-Biar, Tafourah, Haouch El-Mekhfi, Rouiba, Aïn Taya, etc.) a mis en évidence cela: les réseaux des poseurs de bombes dans les milieux urbains peuvent être constitués d'une seule et unique «cellule primaire», les «unicellulaires», c'est-à-dire une seule personne comme base. L'efficacité de ce procédé a été prouvée depuis le début de l'année, et les attentats ont pratiquement «perforé» Alger comme du gruyère. Le renseignement est, aujourd'hui, l'arme qui peut faire la différence. A condition de trouver, bien sûr, hommes à sa dimension et brigades d'intervention à la vitesse d'action qui tourne au quart de tour. Autrement, il serait d'une inanité désarmante. A moins d'un mois des élections législatives, il y a lieu de s'en inquiéter. Car chaque citoyen qui meurt est une présence, une victoire de plus des groupes armés. Le post-terrorisme, tout comme le post-islamisme, n'est pas pour demain.