«La mondialisation a créé des zones d'intérêts qui échappent même aux plus puissants.» C'est à l'hôtel du «Mas des planteurs» à Zéralda que nous avons rencontré, hier, M.Sadek Boussena qui intervenait dans le cadre d'une session consacrée à l'économie de l'énergie. Le thème développé: les prix élevés du pétrole. Une actualité brûlante puisque le baril de pétrole venait d'établir un nouveau record historique, vendredi, en franchissant le seuil des 142 dollars. Cela surprend quelque peu notre prestigieux intervenant pour qui un baril à 60 dollars, il y a à peine deux ans, était déjà miraculeux. Que s'est-il alors passé pour qu'il en soit aujourd'hui ainsi? «La mondialisation a créé des zones d'intérêts qui échappent même aux intérêts des plus puissants», nous déclare M.Boussena. Les pays consommateurs par la voix de l'AIE, l'Agence internationale de l'énergie, ne cessent de réclamer plus de pétrole sur le marché et les Etats-Unis en tête. Qu'en pense le professeur Boussena? «Le marché pétrolier est très bien organisé, on est surtout entré dans une phase de turbulences qui, de plus en plus, apparaît comme la résultante d'actions d'acteurs financiers», nous a déclaré l'ancien ministre de l'Energie (1988-1990) et président de l'Opep entre 1990 et 1991. Les causes de la flambée des prix du pétrole sont multiples et Sadek Boussena qui est aussi professeur associé à l'université de Grenoble, n'écarte aucune piste. Et la chute du dollar ne pourrait-elle pas remettre en cause l'hégémonie de la devise américaine? Les «faucons de l'Opep» y songent sérieusement (l'Iran et le Venezuela). «Impossible, pour le moment. Même si le dollar est quelque peu malmené par la devise européenne, l'euro, le billet vert demeure une valeur-refuge et ne craint aucune concurrence. Quelle est la devise qui peut se targuer d'un tel statut? L'économie américaine, malgré certains signes d'essoufflement, demeure assez solide.» Et pourtant, les Américains eux-mêmes ne cessent de crier haut et fort que les prix actuels de l'or noir font peser une sérieuse menace sur leur économie, mais aussi l'économie mondiale. «Ce sont surtout les pays les plus pauvres qui risquent et qui sont déjà en train de payer l'addition. Une grave crise risque de s'installer durablement. Et si ces prix venaient à se répercuter durablement sur leur facture alimentaire, les dégâts seraient imprévisibles et dramatiques pour des centaines de millions d'être humains.» Certains annoncent ou prédisent des prix du pétrole pouvant atteindre jusqu'à 300 dollars le baril. Qu'en pense l'ancien ministre algérien de l'Energie? «Ce que je peux vous dire sans trop risquer de me tromper, c'est que le marché pétrolier est par essence volatil. Il peut autant être porté à la hausse comme il pourrait connaître aussi une baisse. 120 dollars, 140 dollars? Il y a trop de facteurs qui peuvent entrer en ligne de compte.» Un pronostic tout de même. «Je ne crois pas que le baril du pétrole se maintiendra très longtemps au-dessus des 140 dollars», a estimé M.Sadek Boussena. Une recommandation tout de même. «De bonnes recettes sont à prévoir à moyen terme. Aux Algériens d'en faire bon usage.» A bon entendeur, salut.