La ville d'El Bahia s'est réveillée vendredi matin en étrennant officiellement son premier jour de fête cinématographique... Le théâtre régional Abdelkader Alloula, a abrité, comme l'an dernier, les projections de courts métrages des pays arabes, soit le Bahreïn, la Jordanie, la Tunisie et Oman. L'après-midi, la salle de cinéma Saâda a accueilli deux longs métrages en compétition pour le prix de l'Ahhagar d'Or. Il s'agit d'Ayrouyen de Brahim Tsaki, l'histoire tragique d'un amour impossible dans le désert algérien sur fond de drame écologique poignant et dévastateur. Le second long métrage est un film syrien intitulé El Haouia (l'identité) de Ghassen Shmeit, avec comme acteurs principaux Kais Shekh Najeeb et Sawsan Ersheed, deux êtres qui vont vivre une histoire d'amour impossible comme l'est la négation de leur identité, car cette région de la Syrie, le Golan, est occupée par Israël. Notons que c'est le premier rôle au cinéma de ces deux jeunes acteurs qui ont réussi à faire passer des émotions à travers l'expression du visage. Des personnages psychologiques campés admirablement par ces deux jeunes novices mais, néanmoins, prometteurs dans le métier de cinéma. L'histoire un peu ambiguë tout de même, se base sur la philosophie de la réincarnation. Car on assiste deux fois à la mort du jeune homme, dans un espace temps qui les sépare. Le film à la mise en scène remarquable, à la beauté des paysages comme le sont les sentiments purs de ces jeunes gens, se base sur la croyance des Druzes. En effet, le réalisateur superpose deux générations d'hommes dont l'une survient à la suite de la mort de la première. Il s'agit de montrer que le passé revisité est toujours là, quel que soit l'occupant de la terre, ou la ténuité et la fragilité des frontières...comme en Palestine. «Ce film est axé sur notre identité arabe, et la nécessité de la sauvegarder sur cette mémoire essentielle qui fond notre Etat dans Al Joulan (le Golan)» explique le réalisateur. Le Golan syrien, ou la pomme de discorde syro-israélienne, se trouve à la frontière israélienne, dans la région de Quneytra, qui se situe entre trois Etats, la Syrie, la Jordanie, et Israël. El Haouia est un beau film car en dépit de son arrière-plan historique, formel, il met en scène une forte histoire d'amour mise en péril à cause de cet affreux «check point» tenu par des soldats mal intentionnés... La matinée, et en parallèle des projections, se sont tenues deux conférences à l'hôtel Sheraton. L'une a été animée par l'acteur égyptien Mahmoud Abdelaziz et l'autre par la grande actrice syrienne Mouna Wassef qui reviendra sur son riche parcours et sa relation «affective» avec le réalisateur, père d'Er Rissala, Mustapha Al Akkad, américain d'origine syrienne, assasiné en 2005 en Jordanie par Al Qaîda. La célèbre «Hind» d'Er Rissala reviendra sur sa belle carrière au cinéma, notamment ses rôles de reines, de personnages - souvent de femmes rebelles- qui imposent le respect par leur stature et leur beauté. Elle évoqua aussi ses débuts en tant que mannequin, puis danseuse populaire, avant de passer au cinéma; elle avouera que «ce n'était pas une vocation mais encore un exercice que j'ai voulu expérimenter». Mouna Wassef dira tout son attachement à l'Algérie de par l'hymne national algérien qu'on entonnait en même temps que celui de la Syrie à l'école et dont elle se souvient encore. «Quand je suis en Algérie et je mange des olives, je ne peux m'empêcher de penser que ces fruits ont été arrosés par le sang des martyrs» L'artiste n'a pas voulu s'étendre sur le destin d'Al Akkad, «ce semeur de rêve» puisqu'un séminaire lui sera consacré..Elle a émis aussi le souhait de jouer dans le prochain film qui sera consacré à la vie et l'oeuvre de l'Emir Abdelkader, ne serait-ce qu'un petit rôle. «Ce film doit être réalisé. Il est essentiel. D'une certaine façon Abdelkader était (aussi) syrien.». Mouna Wassef est revenue sur la situation du cinéma arabe, en particulier syrien en relevant que deux films seulement ont été réalisés cette année, là-bas. «Même si l'Etat peut aider le cinéma, l'apport privé est nécessaire pour susciter la concurrence et relever le niveau des films en Syrie». Mouna Wassef confiera aimer le pouvoir. Cette grande dame ambassadrice aujourd'hui pour les causes humanitaires, souligna ce «complexe» en ayant échoué à capitaliser un nombre suffisant de voix à même de les faire entrer à l'Assemblé populaire égyptienne. Elle reconnaîtra avoir toujours eu de l'attirance pour des rôles comme Lady Macbeth, plutôt que ceux de Juliette. Elle donna comme modèle de femme, Indira Gandhi qui a su tenir haut les rênes du pouvoir malgré des conditions sociales et politiques mouvementées que connaissait l'Inde. Elle mourut dans des conditions tragiques, à la «Shakespeare». Enfin, cette grande actrice indiqua qu'elle ne donne aucun conseil puisque «l'art est une chose individuelle, personnelle. A l'individu de faire sa propre expérience dans le domaine...». Elle expliqua son retrait du 4e art par le fait que les planches, selon elle, sont l'apanage des jeunes comédiens. «Le théâtre, j'y ai laissé ma jeunesse mais il m'a beaucoup apporté, le succès, la gloire, un savoir énorme et des grands rôles...» Divertissement oblige, un peu l'esprit du Festival international du film arabe, les festivaliers ont vécu en soirée, une nuit placée sous le signe de la chanson raï. Un plateau artistique a été, en effet, organisé au théâtre en plein air d'Oran, Hasni-Chakroun, auquel ont pris part cheb Mohamed Lamine, Abdou Derriassa et chaba Zahouania. De la magie de la salle obscure au grand air et des décibels, il y a bien un monde parallèle auquel les Oranais sont conviés à prendre part jusqu'au 3 juillet...