En se désistant, Morgan Tsvangirai a intensifié la crise, qui a été portée jusqu'aux Nations unies. En boycottant le scrutin présidentiel de vendredi, l'opposition zimbabwéenne a augmenté la pression à court terme sur le chef de l'Etat, Robert Mugabe, mais a restreint l'éventail des cartes à sa disposition pour la suite. Le chef de l'opposition, Morgan Tsvangirai, s'est retiré de la course en invoquant les violences commises contre ses partisans. Le régime a donc dû se contenter d'un simulacre d'élection avec un candidat unique. ´´Il a révélé la vraie nature de Mugabe: un dictateur cruel et violent qui est désormais critiqué par certains de ses pairs africains´´, estime John Makumbe, professeur de sciences politiques à l'université du Zimbabwe. Après le retrait de l'opposant, dimanche dernier, l'Occident et plusieurs dirigeants africains ont demandé le report du scrutin. Et le Conseil de sécurité de l'ONU s'était réuni en urgence dès le lendemain pour évoquer la question. ´´En se désistant, Morgan Tsvangirai a intensifié la crise, qui a été portée jusqu'aux Nations unies. Pour la première fois, le Conseil de sécurité a discuté du Zimbabwe pendant cinq heures et publié un communiqué´´, souligne M.Makumbe. Mais la réponse internationale le jour du scrutin, organisé dans un climat de tension extrême, a montré les limites de la stratégie de M.Tsvangirai qui a tout misé sur les pressions extérieures. Si les pays du G8 ont fait savoir qu'ils ne reconnaîtraient pas l'issue de l'élection, le Conseil de sécurité n'a pas réussi à se mettre d'accord sur une résolution allant dans ce sens. L'ambassadeur sud-africain Dumisani Kumalo, dont le pays est chargé d'une médiation au Zimbabwe au nom de l'Afrique australe, a empêché l'adoption d'un texte qui aurait déclaré illégitime les résultats. Exaspéré, le porte-parole de l'opposition, Nelson Chamisa, a accusé le président sud-africain Thabo Mbeki de se conduire comme s'il avait ´´la carte´´ du parti de Robert Mugabe. ´´Il abandonne le peuple du Zimbabwe en agissant comme s'il protégeait un Etat voyou´´, a-t-il lancé. ´´Je ne suis pas sûr que M.Tsvangirai ait une option de secours ou un plan B´´, craint John Akokpari, un analyste de l'université du Cap. En se retirant ´´il a vraiment limité ses options´´, ajoute le politologue. Le chef du Mouvement pour le changement démocratique (MDC) a bien laissé ouverte la porte à des discussions avec le régime, mais il a posé des conditions qui ont fluctué dans le temps, relève M.Akokpari qui y voit le signe d'une absence de stratégie claire. De toute manière ´´il est très improbable que des négociations puissent réussir´´, souligne John Makumbe. Le président Mugabe, qui n'a jamais rencontré son rival, méprise profondément le MDC qu'il considère ´´vendu´´ à l'ancienne puissance coloniale britannique. ´´Je ne sais pas si Tsvangirai pourrait accepter de participer à un gouvernement dont M.Mugabe serait le président´´, ajoute Elizabeth Sidiropoulos, de l'Institut sud-africain des affaires internationales (Salla). Pour ces analystes, M.Tsvangirai ne semble pas avoir d'autre choix que de poursuivre ses efforts en direction de la communauté internationale, et notamment des dirigeants africains, en espérant qu'ils parviennent à faire plier Robert Mugabe. Mme Sidiropoulos souhaite que l'Afrique australe envisage des sanctions économiques, par exemple un embargo sur le carburant. Les sanctions ne doivent pas forcément être appliquées mais la région ´´doit menacer de le faire de façon crédible´´, conseille-t-elle. Quoi qu'il en soit, si le retrait de Morgan Tsvangirai a été parfaitement compris à l'étranger, son image pourrait avoir été écornée en interne, remarque Jonathan Moyo, un ancien ministre du régime devenu indépendant. ´´Cela le fait passer pour un lâche´´, dit-il.