Les choses ont commencé à mal tourner, hier, vers 14h. La série d'incendies dans les enceintes pénitentiaires continue. Hier, c'était au tour de la prison de Annaba, El Bouni dans le Alleïgue, de prendre feu. Selon notre source à Annaba, les choses ont commencé à mal tourner, hier, vers de 14h. C'était le jour des visites, et les détenus ont en profité pour en faire une «démonstration» digne de ce qui s'est fait «ailleurs». Les détenus ont commencé par se regrouper dans la grande cour de la prison. Quelques-uns ont escaladé les terrasses et les cris ont commencé à fuser, à tue-tête, vilipendant nommément le ministre de la Justice: «Ouyahia assassin», s'en prenant aux gardiens qu'ils qualifient de «haggarine!».Le ras-le-bol, l'exacerbation et leurs souffrances dans un milieu carcéral horrible se sont transcrits sur tous les cris et les chants qu'ils ont prononcés pendant une bonne demi-heure. Pendant ce temps, d'autres détenus ont allumé le feu dans la literie des salles. La prison d'El Bouni a été rapidement bouclée par un imposant dispositif sécuritaire et plus aucune information n'a filtré, n'était une ambulance de la Protection civile qui a été vue quittant à vive allure la prison. Des délégués des détenus ont alors pris langue avec le directeur de l'établissement pénitentiaire pour discuter des conditions de retour au calme, et jusqu'à une heure tardive de la soirée, aucun compromis n'a été encore trouvé. Par ailleurs, la maison d'arrêt de Aïn M'lila a connu elle aussi hier une mutinerie qui a contraint le procureur de la République, près la Cour d'Oum El-Bouaghi à se déplacer sur les lieux pour tenter de rétablir la situation dans cette institution carcérale. Cette affaire est intervenue quelques heures seulement après la mutinerie de la prison de Boussouf à Constantine et l'évasion de 3 détenus. Quelques kilomètres plus loin, la prison de Coudiat (Constantine) avait, elle aussi, connu des troubles. Ces incidents vécus ces derniers jours dans les centres de détention soulèvent un grand nombre d'interrogations. Le ministre de la Justice, dans ses nombreuses interventions, n'a pas crevé l'abcès et s'est contenté de palliatifs en guise de solutions. Les conditions de détention dans les prisons algériennes sont, de l'avis de détenus, de gardiens et de responsables des services du ministère de la Justice, inhumaines. On ne se cache plus aujourd'hui pour dénoncer les conditions de vie dans ces prisons. Des commissions de certaines ONG qui avaient visité nos prisons ont constaté de visu l'état de déliquescence atteint par nos centres carcéraux. Les gardes ripoux existent, les directeurs de prison harceleurs, mauvais, sadiques existent aussi. Mais à qui dénoncer ces déviants? A qui dénoncer les cas de torture, de mauvais traitements, d'abus, de surpopulation, de malnutrition? Ce sont les questions que posent les mutins de Constantine, d'Alger, de Chelghoum Laïd et les autres. M.Ouyahia et son département n'ont pas encore saisi la portée des messages lancés par les prisonniers. Ils continuent de faire la sourde oreille à des appels qui les somment de prendre le taureau par les cornes et de donner un coup dans la fourmilière. Les incidents vécues par nos prisons ne sont pas les conséquences de l'expression d'une malvie. On ne s'improvise pas Néron gratuitement. On use de cet ultime recours quand la dignité de l'Homme est bafouée. Il semble aujourd'hui certain que les grands chantiers - révision du code de procédure pénale, code pénal, refonte du système pénitentiaire - ne peuvent être lancés avec un ministre qui n'ose pas prendre ses responsabilités ou des décisions justes et courageuses.