Le mandat d'arrêt émis par la CPI contre le président Al Bechir continue de susciter remous et réprobation en Afrique et dans le monde arabe. L'inculpation du président soudanais, Omar Hassan Al Bechir, de «crimes de génocide» au Darfour continuent de susciter des réactions, souvent désapprobatrices, particulièrement en Afrique et dans le monde arabe. S'exprimant hier, dans une interview à la BBC Télévision, le Premier ministre kenyan, Raila Odinga, a estimé hier que d'éventuelles poursuites de la Cour pénale internationale (CPI) contre le président soudanais Omar Al Bechir n'allaient «pas résoudre les problèmes du Darfour». «Je pense, en fait, qu'essayer d'exonérer des gens ici et là et de blâmer (d'autres) ne va pas résoudre les problèmes du Darfour». Cette réflexion résume, en fait, la position de la majorité des Etats africains qui estiment non avenue l'émission d'un mandat d'arrêt contre un président en exercice, ce qui est une première dans les annales jurisprudentielles internationales, et surtout, affirment-ils, cette inculpation n'est pas de nature à favoriser une solution pacifique au Darfour. Bien au contraire, tous les analystes et observateurs estiment qu'une mise en application du mandat de la CPI risque de déclencher le chaos au Soudan. De fait, l'approche, que d'aucuns estiment plus politique que juridique, du cas du Soudan et de son président présente un danger certain pour la stabilité de ce pays et plus largement pour la paix dans cette région en bute à maints conflits. Si des ONG africaines se sont félicités du «courage», selon elles, de la décision de la CPI d'ester en justice le président soudanais, d'autres, en revanche, estiment que la CPI devait être «plus équitable dans ses investigations»! «C'est un acte assez courageux», a déclaré à une agence de presse, le président de l'Union interafricaine des droits de l'homme (UIDH), l'avocat Brahima Koné. «C'est une avancée décisive dans le cadre de la lutte contre l'impunité en Afrique. Il y a des milliers de gens qui sont morts au Darfour, d'autres souffrent physiquement et moralement, toutes ces victimes ou leurs ayants droit attendaient depuis très longtemps d'être rétablis dans leurs droits», selon l'avocat malien. A contrario, la Rencontre africaine pour la défense des droits de l'homme (Raddho) ne partage ni cet avis ni cet enthousiasme et appelle, pour sa part, les juges de la CPI à faire «preuve de plus d'équité pour ne pas donner l'impression d'une justice pénale internationale à deux vitesses» «Pays sous-développés sans pouvoir réel au plan international, les Etats africains constituent le maillon le plus faible de ce qu'on appelle Communauté internationale et sont les proies les plus faciles pour la CPI», indique l'ONG, basée à Dakar. En effet, la CPI opérationnelle depuis 2002 n'a montré aucun empressement à traiter, ou ne serait-ce que se pencher, avec la même rigueur (sur) d'autres cas aussi préoccupants que celui du Darfour, notamment les massacres opérés par l'armée israélienne dans les territoires palestiniens et restés impunis jusqu'à ce jour. Par ailleurs, réunis samedi au Caire, les ministres des Affaires étrangères de la Ligue arabe ont sévèrement critiqué «la position déséquilibrée» du procureur (argentin) Luis Moreno-Ocampo, auteur de l'émission du mandat d'arrêt contre Al Bechir. S'exprimant devant les journalistes à l'issue de la réunion, le secrétaire général de a Ligue arabe, Amr Moussa, a, en effet, indiqué: «Nous avons noté un déséquilibre dans le rapport (du procureur de la CPI), car il ne contient rien au sujet des mouvements rebelles (du Darfour) et de ce qu'ils ont fait». Et Moussa d'ajouter: «La justice soudanaise aura un rôle très important à jouer dans la prochaine phase». C'est sans doute dans cette perspective que le secrétaire général de la Ligue arabe se trouvait hier à Khartoum où il eut des discussions avec le président Al Bechir et les autorités soudanaise auxquels il présenta «un plan d'action arabe» Amr Moussa qui a refusé de dévoiler la nature de ce plan a, toutefois, indiqué à la presse «Nous agirons en coordination avec l'Union africaine et maintiendrons les contacts avec l'ONU» ajoutant: «Cette crise aura une solution réfléchie». A en croire le quotidien londonien Al-Hayat, M.Moussa a «été chargé d'engager des consultations avec le secrétaire général des Nations unies et la présidence de l'Union africaine à propos des relations entre le Soudan et la CPI et la crise du Darfour». Ce que semble indiquer la déclaration, hier à la presse, du chef de la diplomatie égyptienne, Ahmed Aboul Gheit, qui a estimé qu'«il est nécessaire que le Conseil de sécurité de l'ONU prenne ses responsabilités pour sauvegarder la stabilité au Soudan et qu'il agisse en conséquence». En fait, beaucoup craignent qu'une inculpation formelle du président soudanais n'ouvre les portes à des dérapages incontrôlés, la CPI devenant plus un instrument de coercition qu'une cour de justice statuant dans la sérénité.