Le chef du gouvernement sait, pertinemment, que son projet ne pourra pas se faire avec les actuelles directions de club. Le chef du gouvernement, M.Ahmed Ouyahia, est intervenu il y a quelques jours de cela, lors de la soirée organisée en l'honneur de la délégation algérienne qui doit participer aux Jeux olympiques de Pékin pour parler, entre autres, de sport. «Je crois savoir que d'immenses efforts ont été accomplis de l'Indépendance à nos jours pour la réalisation de nombreuses infrastructures sportives. A mon avis, avec le nombre de stades de 25.000 places qu'elle possède, l'Algérie est en mesure d'organiser deux Coupes du monde simultanément.» Convenons qu'il a entièrement raison sur ce qui a été fait sur ce plan. Au jour d'aujourd'hui, l'Algérie peut s'enorgueillir d'être l'un des pays (s'il n'est pas le seul) africains qui ont le plus construit d'infrastructures sportives durant ces quarante dernières années. Des stades, des salles omnisports, des piscines, il y en a maintenant un peu partout, cela personne ne pourra le contredire. Il y a, malheureusement, un hic à travers le manque d'entretien des installations et on a cru deviner que le chef du gouvernement s'était exprimé sur un ton de plaisanterie en ce sens qu'il sait que si ces stades existent, ils sont loin de répondre aux normes, ne serait-ce que par l'état de dégradation dans lequel ils se trouvent. Le fait que des stades aient changé de pelouse en un temps record alors que celle-ci était faite pour durer de nombreuses années, est une preuve plus que flagrante du laisser-aller constaté à ce niveau. On ajoute que plusieurs installations sont dans un état de dégradation avancé et mériteraient un lifting de fond en comble. Très souvent, les responsables de ces infrastructures mettent en avant le manque de moyens pour les maintenir dans un état convenable. Cela n'empêche, pourtant pas, certains d'entre eux de se «mettre en quatre» pour le faire et s'en sortent à merveille dans des conditions extrêmement pénibles. Ce qui signifie que lorsque la volonté existe, on peut surmonter bien des handicaps. M.Ouyahia a fait, par ailleurs, une révélation de taille ce soir-là. «Il est un fait évident que nous avons jusqu'ici consacré beaucoup d'argent pour la construction de ces infrastructures. Le temps est maintenant venu d'accorder plus d'attention aux acteurs du mouvement sportif national, les ligues et les clubs, véritables socles du système, et de leur donner plus de moyens qu'ils n'en ont aujourd'hui.» Il a ajouté: «Il faudrait valoriser le sport d'élite, celui-là même qui sera le vivier de nos équipes nationales.» C'est bien la première fois qu'un chef du gouvernement parle de la sorte au sujet du mouvement sportif national. Il a même dit qu'il ne faisait que refléter la pensée du chef de l'Etat, M.Abdelaziz Bouteflika. Il ne fait aucun doute que cette sortie orale de M.Ouyahia a été accueillie avec beaucoup de soulagement par les responsables des ligues et ceux des clubs qui ne cessent de réclamer plus de considération et de moyens financiers. Le fait que certaines ligues dans les wilayas profondes bénéficient d'une enveloppe budgétaire de seulement 50.000 dinars annuellement, est une preuve d'une marginalisation absolument inacceptable. On ne peut prétendre développer la pratique sportive en ne donnant que des «miettes» à ce qui constitue la base du système. Concernant les clubs, le même constat peut être fait, hormis ceux du football dont certains «jouent» avec l'argent du contribuable, sans aucune retenue et surtout sans aucun contrôle. Le chef du gouvernement veut un sport d'élite ce qui suppose qu'au niveau du football il va falloir choisir les clubs qui feront partie de ces privilégiés. Mais le risque est grand d'entreprendre une telle démarche tout en gardant les dirigeants qui sont en place. Un expert en marketing sportif qui s'adressait, lors d'un séminaire aux présidents de clubs de football, leur avait lancé: «Le professionnalisme se fera en Algérie mais il se fera sans vous.» «L'écrasante majorité d'entre eux n'a aucune connaissance ou notion pour mettre en valeur leurs clubs respectifs. Tout ce qui les intéresse, c'est qu'on leur donne de l'argent pour qu'ils puissent en abuser à satiété. Le drame c'est qu'on les écoute, d'où l'anarchie qui en découle», nous avait-il dit en aparté. Il apparaît, donc, clairement que si l'Etat veut un football d'élite, il devra faire en sorte de le mettre entre les mains de gens aux compétences avérées en matière de gestion. Le chef du gouvernement qui, lors d'un de ses récents discours, avait parlé de la corruption qui gangrénait le football, sait, certainement, que le salut de la discipline ne peut venir que d'une restructuration complète de ses clubs et de leurs organes de direction. C'est à ce prix que le sport et le football d'élite pourront avoir des lettres de noblesse chez nous. Autrement, la cacophonie et le bricolage seront appelés à durer indéfiniment.