Américains et Israéliens focalisent sur le rôle de Yasser Arafat. Les événements de ces derniers jours auront, encore une fois, démenti les certitudes du criminel de guerre Ariel Sharon qui pensait, après le massacre de Jenine, avoir eu gain de cause et qu'il pourrait imposer sa «paix» aux Palestiniens. L'attaque de la résistance palestinienne à Rishon-le-Zion (au sud de Tel-Aviv) faisant 16 morts et plus de 50 blessés mardi dernier, alors qu'il venait d'arriver à Washington, rappelait au criminel de guerre israélien qu'on ne soumet jamais un peuple qui lutte pour son juste droit. Mais n'ayant que la force de la répression à l'esprit, le chef de gouvernement israélien, à partir de Washington, menaçait de riposter à Ghaza. Pour prouver quoi? Il n'existe pas d'exemples dans le monde qui montrent que l'on puisse réduire les aspirations d'un peuple à l'indépendance par l'emploi de la force et de la coercition. Tôt ou tard Israël devra bien se résoudre à l'admettre en commençant par négocier avec la résistance palestinienne et à évacuer les territoires qu'il occupe depuis 1967. Car la sécurité et la paix d'Israël sont à ce prix. C'est même ce principe - la «paix contre les territoires» - qu'Yitzhak Rabin a fait sien en souscrivant au processus de paix conclu par les accords d'Oslo. C'est ce prix que Sharon refuse de payer en voulant la paix et les territoires. Sharon n'a jamais fait mystère de ses intentions de placer les Palestiniens dans des ghettos sous haute surveillance de l'armée israélienne, ne voulant pas entendre parler d'Etat palestinien indépendant. Depuis sa prise de pouvoir, Sharon s'est fait un devoir de disqualifier le président Arafat et l'Autorité palestinienne sur lesquels il concentra toutes ses attaques, l'armée israélienne, lors des agressions de ces derniers mois, s'est essentiellement concentrée à détruire les infrastructures de l'Autorité palestinienne alors que Sharon s'échinait à évincer Yasser Arafat. Ainsi, les Israéliens, et les Américains dans leur sillage, focalisent autour du rôle de Arafat alors que l'essentiel est ailleurs. Arafat n'est pas le problème du Proche-Orient, le problème, on a un peu tendance à l'oublier, c'est l'occupation par Israël des territoires palestiniens, dont toutes les résolutions de l'ONU votées ces dernières années lui exigent de s'en retirer. Et s'il existe aujourd'hui un obstacle à la paix au Proche-Orient, c'est bien Ariel Sharon, qui prétend imposer la refonte et la réforme d'une Autorité palestinienne qui soit à sa main, comme il vient de l'indiquer dans un entretien à Washington, où le Premier ministre israélien parle d'une «force de sécurité intérieure palestinienne unifiée, sous les ordres d'une personne appropriée et un Premier ministre, en apparence sous les ordres de Arafat», mais ayant la réalité du pouvoir précise le New York Time. Ce qui n'est pas l'avis du responsable de la diplomatie de l'Union européenne, Javier Solana, qui estime que «le président Arafat peut plaire plus ou moins aux autres, mais c'est la personne qui a été élue. Je souligne qu'il a été élu, car il y a beaucoup de pays du monde où il y a certainement moins de légitimité», ajoutant: «Pour nous, Yasser Arafat est le dirigeant élu, tant qu'il n'y aura pas eu d'élections qui auront changé la situation. Je pense qu'il ne sera pas expulsé. S'il l'était, ce serait une énorme erreur et elle serait difficilement acceptable par la communauté internationale.» Mais, renchérissant sur Sharon, le président Bush affirme de son côté: «Nous devons tous travailler dur pour mettre en place les infrastructures d'une autorité palestinienne qui respecte le droit, qui ait sa propre Constitution, qui soit capable de combattre la corruption, qui soit capable de dépenser convenablement l'argent reçu de l'étranger.» Comme quoi, Bush fait grief à Arafat de plus se préoccuper de libérer son pays que de bien gérer l'argent que la communauté internationale consent chichement à un peuple sans Etat. Il est évident que les problèmes qu'évoque M.Bush existent, mais il ne fait pas de doute non plus qu'ils ne constituent pas la priorité pour un peuple que l'on veut maintenir en sujétion indéterminée, alors que la communauté internationale est convaincue que seule l'érection de l'Etat de Palestine, à Ghaza et en Cisjordanie avec Jérusalem-Est comme capitale, demeure l'unique issue à la crise du Proche-Orient. C'est aussi ce que le sommet arabe, dans sa réunion du 28 mars, avait proposé, ayant entraîné de la part de Sharon la réponse que l'on sait : la mise sous état de siège du président Arafat. C'est l'obstination de Sharon à refuser aux Palestiniens l'édification de leur Etat, en honorant les engagements israéliens des accords de paix d'Oslo, qui poussa la jeunesse palestinienne au désespoir, et à recourir aux attentats suicide, consciente que son avenir, tel que le veut Sharon, est bouché, car devant se réduire à l'horizon des «bantoustans» que prépare pour elle le Premier ministre israélien. Le retrait israélien des territoires palestiniens occupés, - et son corollaire l'érection de l'Etat palestinien indépendant - est, et demeurera, le noeud gordien de la crise proche-orientale, car il est vain de croire que la sécurité et la paix pour Israël dépendent du seul nombre de chars et d'avions que l'Etat hébreu peut aligner.