Alors que l'ONU renonce à enquêter à Jenine, les Américains proposent une conférence sur le Proche-Orient En renonçant à faire établir les faits dans le camp martyr de Jenine, l'ONU a, en réalité, abandonné également, désormais, tout droit de regard sur la situation et les événements au Proche-Orient. Ainsi, le secrétaire général de l'ONU, Kofi Annan, a-t-il publiquement avoué son impuissance à imposer à Israël la mission d'enquête des Nations unies. Cette impossibilité de l'ONU à faire se conformer Israël à la loi internationale indique en fait le renoncement (définitif) des Nations unies à connaître des développements futurs du dossier proche-oriental, laissant le champ libre aux deux compères, Israéliens et Américains. De fait, ceux-ci, comme si de rien ne s'était passé à Jenine, reprennent l'initiative, qui avec sa conférence, qui avec son plan de «paix». Ainsi, Washington propose l'organisation d'une «énième» conférence internationale sur le Proche-Orient, alors que Sharon, conforté par l'abandon des Nations unies, a son propre plan de «paix» qu'il devait soumettre, hier, au président américain, George W.Bush. Dans l'un comme dans l'autre cas, Américains et Israéliens se jouent de la communauté internationale, veulent imposer au monde une solution qui, en fait, menace le devenir de la nation palestinienne et met en stand-by l'édification de l'Etat palestinien. En effet, ni les Américains ni encore moins les Israéliens, ne font mention, dans leurs projets, à la Palestine, Sharon prétendant même imposer des «accords intérimaires à long terme» qui renverront aux calendes grecques l'éventuelle création de l'Etat de Palestine. En effet, en plus du fait de refuser de revenir à la frontière du 4 juin 1967, et de démanteler les colonies de peuplement juives dans les territoires palestiniens occupés, le chef du gouvernement israélien, outre son insistante prétention à mettre Yasser Arafat hors jeu, veut également choisir ses interlocuteurs palestiniens qu'il veut «responsables» (dans l'esprit de Sharon, les Palestiniens «responsables» ne peuvent être que les Palestiniens prêts à capituler et à accepter le morcellement du territoire palestinien et le diktat israélien) car, pour lui, les Palestiniens qui résistent ne sont que des «terroristes» avec lesquels il ne pouvait y avoir d'accord. Tant que cette lubie était du fait du seul Sharon, cela pouvait toujours être pris pour une ruse de guerre - la communauté internationale ayant bien montré dans les épreuves traversées par le peuple palestinien depuis le 29 mars dernier, que le président Arafat demeurait irremplaçable et incontournable dans tout processus de paix - mais que les Américains font du départ de l'actuelle direction de l'Autorité palestinienne une des conditions pour arriver à une solution au Proche-Orient. Voilà qui en dit long sur la neutralité de façade américaine et sur le concept de la paix «américaine» au Proche-Orient. En effet, dans une déclaration à une chaîne de télévision américaine, la conseillère pour la sécurité nationale à la Maison-Blanche, Condoleezza Rice avait affirmé: «La direction palestinienne qui est en place aujourd'hui, (l'Autorité palestinienne) n'est pas la sorte de direction qui peut conduire à l'Etat palestinien dont nous avons besoin.» Ainsi, Mme Rice non contente de contester le choix souverain du peuple palestinien, qui a investi sa confiance dans Yasser Arafat et son équipe, lors d'élections démocratiques, veut une direction palestinienne dont dit-elle «nous avons besoin» Qui, «nous»: les Américains? Les Israéliens? Les Palestiniens? Ces derniers ont déjà choisi et le triomphe fait à Abou Ammar après la levée du siège de Ramallah constitue un plébiscite du peuple palestinien. Depuis quand l'une des parties en conflit choisit les interlocuteurs avec lesquels elle doit négocier la paix? Les Israéliens, qui ont déjà interdit à la communauté internationale de savoir ce qui s'est passé à Jenine, veulent aussi désigner les Palestiniens auxquels, sans doute, ils assigneront les tâches dans les futurs «bantoustans» palestiniens comme n'en a jamais fait un secret Ariel Sharon digne émule d'Ytzhak Shamir. Dès lors, de quelle conférence parlent les Américains, d'autant que, déjà, Israël avertit, qu'en tout état de cause, cette conférence ne pourra rien imposer à Israël, et en tout état de cause ne pourra être que consultative, la décision finale revenant, bien sûr, au seul Israël. Maintenant, une nouvelle conférence, pourquoi faire? Alors même qu'aucune des dispositions des nombreuses conférences sur le Proche-Orient n'ait pu être suivie d'effet du fait notable, et essentiel, du refus d'Israël d'en appliquer les conclusions pertinentes, particulièrement la résolution 242 de 1967 dont la mise en oeuvre est toujours en suspens. En fait, la seule chose que veut Israël, c'est assurer le calme pour une longue période par la neutralisation des Palestiniens, et le renvoi de la création d'un Etat palestinien indépendant à une date indéterminée, la plus éloignée dans le temps. Autant dire jamais ! Alors quelle paix veut Israël? Que veulent les Américains qui, une nouvelle fois, mettent au service d'Israël leur incommensurable puissance tout en continuant à mettre en garde le président Arafat, quasiment traité en proscrit? Il est vrai, par ailleurs, qu'hier, le président George W.Bush avait accueilli pour la sixième fois, en peu de mois, le criminel de guerre Ariel Sharon. Certes, le choix des Américains leur appartient, mais que l'on ne vienne pas nous dire que le choix de la force contre un peuple qui se bat pour ses droits répond encore au droit inaliénable des peuples à s'autodéterminer, tel que consigné par les résolutions des Nations unies. Il est vrai aussi, hélas, qu'Américains et Israéliens n'ont cure de l'ONU et des résolutions qu'elle produit, du moment qu'elles ne sont pas favorables à Israël. Et la dissolution de la mission de Jenine est là pour en témoigner.