Le pétrole bon marché, est-ce terminé? Pourquoi? Ce n'est pas une question simple. L'inquiétude a ses racines loin, très loin dans l'histoire du monde quand il a voulu se développer, au seul bénéfice des conquérants et, pour ce faire, au détriment des besoins vitaux de l'humanité. Les prix du pétrole flambent, et en cet été 2008, les nantis même en souffrent, regrettant les époques grasses des colonies. Mais en réalité, le pauvre d'autrefois reste pauvre encore aujourd'hui. La pauvreté n'est pas seulement économique, voire physique, l'indigence d'esprit se cultive, ici et là, sous la pression de la force politique servie par la force mécanique. Le livre Pétrole apocalypse d'Yves Cochet peut être utile à la réflexion, comme le souhaite l'auteur fort passionné d'écologie puisqu'il en est un ferme militant depuis plus de trente ans. Dans son livre, il y a une longue réflexion de l'homme politique, mais bien sûr une foultitude d'exemples servant la cause de l'écologie, montrant avec hardiesse et vérité combien notre planète et son peuplement pourraient pâtir des bouleversements déjà annoncés par l'épuisement des ressources du sol et de la consommation effrénée des matières productrices d'énergie. Yves Cochet tire la sonnette d'alarme, écrivant: «Nous sommes dans le compte à rebours, nous n'avons pas une seconde à perdre. Il est déjà trop tard pour espérer transmettre à nos enfants un monde en meilleure santé que celui que nous connaissons aujourd'hui. Plus nous attendrons, plus leurs souffrances seront grandes et dévastatrices. Mais nous pouvons les réduire. L'urgence est là, mais l'espoir aussi. Si nous réagissons vite.» Ce raisonnement n'est pas fallacieux, il est fondé sur un constat que beaucoup ont établi, mais hélas! aucune voix n'a encore ému tout à fait les grands dirigeants de ce monde qui se sent sur le chemin de l'anéantissement. Et pourtant, ces dirigeants, eux aussi, sont compris dans cette apocalypse programmée; ils en sont les responsables. Etrange conception de l'homme qui programme sa propre perte! C'est en quelque sorte «la part maudite» qu'il prend dans les richesses de la planète, ainsi que l'écrit Georges Bataille, cité par Cochet: «La détermination générale de l'énergie parcourant le domaine de la vie, est-elle altérée par l'activité de l'homme? Ou celle-ci, au contraire, n'est-elle pas faussée dans l'intention qu'elle se donne, par une détermination qu'elle ignore, néglige, et ne peut changer? J'énoncerai, sans attendre, une réponse inéluctable. La méconnaissance par l'homme des données matérielles de sa vie le fait errer gravement.» Ainsi donc le pétrole mène le monde. C'est le problème du monde. Et pourtant le rêve continue, yeux ouverts sur le bonheur consommé sans le produire. Mais après le pétrole, à quel rêve de bonheur oserions-nous prétendre? Trop de bonheur: «De l'eau du robinet ou en bouteille»; «Nous rapportions [du marché] nos cabas pleins et remplissions le frigo»; «Nous aimions les voyages»; «Nous aimions les activités libres»; «Nous prenions le temps de vivre». Il faut se rendre à l'évidence... «Aujourd'hui, le temps n'est plus de notre société. Chaque jour qui passe nous rapproche d'un choc imminent que nous ignorons: la fin de l'ère du pétrole bon marché. Elle aura duré cent cinquante ans, elle s'achève. [...] Ce choc dont nous apercevons les prémisses provient de la coïncidence, en l'espace de quelques années, de trois situations inédites: une situation géographique, avec le déclin définitif de la production de pétrole; une situation économique, avec un excès structurel de la demande mondiale de pétrole par rapport à l'offre; une situation géopolitique, avec une intensification du terrorisme et des guerres pour l'accès à ce pétrole encore indispensable mais devenu décroissant. Un triple choc donc.» La solution à ce problème est-elle viable? «Organiser la décroissance de la consommation et des échanges de matières et d'énergie, orienter l'économie vers une perspective d'autosuffisance décentralisée» et si même rêver, grâce à ces prises de décision, à la sauvegarde de «la solidarité, la démocratie et la paix», d'abord, est-ce possible? Ensuite, est-ce suffisant? Le bonheur est dans le pré, dit-on. Et là encore, le pauvre est mis entre parenthèses, et la pauvreté continuera à sévir chez ceux qui auront tout vendu de leur «pétrole», de leurs «matières premières», de leur reste d'existence, - ce reste qui est leur âme et conscience. Aussi est-ce, peut-être, par la réflexion trop grande sur l'avenir des sociétés nanties d'aujourd'hui, et trop ignorante ou trop oublieuse de l'avenir des sociétés pauvres ou appauvries d'aujourd'hui que pèche le livre, pourtant très important et très vrai, Pétrole apocalypse d'Yves Cochet. Pétrole apocalypse d'Yves Cochet Casbah Editions, Alger, 2007, 275 pages.