Certaines mosquées ont vu disparaître des horloges, des ventilateurs, des petits tapis, des livres de théologie. Nombreuses sont les situations burlesques qui arrivent comme de retourner parfois chez soi «pieds nus!». Prier «sur» ses chaussures, même si elles sont soigneusement empaquetées dans un sachet, n'est-il pas désolant? Le fidèle serait-il contraint de prier et d'avoir l'oeil sur ses godasses, comme celui qui «nage et surveille en même temps ses habits»? Un grand nombre de lieux de prière mettent pourtant à la disposition de leurs fidèles de petits sachets en toile à cet effet. Ils sont souvent offerts à la «Maison de Dieu» par des croyants désireux de faire un don à la mosquée. Des étagères pratiques sont partout disposées dans les salles de prière à l'entrée ou près des salles d'ablution. Mais beaucoup craignent un «vol» ou une «malencontreuse erreur». Celle-ci ne saurait advenir que lorsqu'il s'agit d'une quelconque mule déglinguée, de couleur similaire à la sienne. Un tel cas, qui n'est presque jamais admis par la victime ne peut, bien sûr, être attribué qu'à un homme d'un certain âge qui distinguerait mal formes et couleurs parmi les mille et une savates et mules déposées en désordre à l'entrée ou la sortie, dirions-nous pour ces cas, de la mosquée. Cette pratique de faire des génuflexions religieuses avec des chaussures (même empaquetées) devant soi, au lieu même où l'on repose son front en priant, ou posées sur le tapis entre les jambes, ne sied pas du tout aux recommandations d'hygiène prônées par l'Islam et de surcroît, dans les lieux de prière. Il va sans dire que ce phénomène tend, hélas, à se généraliser et ce, dans tous les lieux de recueillement et de prière disséminés à travers le pays. Il n'est point l'apanage de la seule Algérie. «Nous avons perdu nos repères d'antan», clame, outré Cherif, un jeune fidèle à la barbe rousse bien taillée qui fréquente assidûment la mosquée de son quartier. «Où est le respect dû à l'imam, gardien spirituel du citoyen, ou au "maître" d'école porteur du savoir ou encore au médecin, seul être devant lequel l'homme se déshabille lors d'une consultation?» Toutes ces valeurs ont disparu, regrette Chérif. Le cas de «disparition de chaussures» est, selon lui, constaté dans tous les pays musulmans et autres où vit une forte communauté islamique. Les mécréants qui s'adonnent à cette activité, pour le moins «abjecte», profitent des moments où les fidèles ont le front posé en direction de la Mecque. Ils se faufilent parmi eux, faisant croire à une «envie soudaine» ou à une «impureté rituelle accidentelle» survenue lors de la prière, pour commettre leur triste forfait. Ce ne sont pas, hélas, les seules situations relevées. Certaines mosquées ont vu pour les unes des horloges (toujours offertes par des fidèles) disparaître, des ventilateurs pour d'autres ou des petits tapis, des livres de théologie et pour comble...même des exemplaires du Saint Coran subtilisés! Nombreux sont les situations burlesques qui arrivent comme de retourner parfois chez soi «pieds nus!» Eh oui, c'est arrivé! Hadj Ali en est un témoin vivant. Il a été une fois victime de cette situation qu'il raconte avec force sourires et éclats de rires, comme on raconte une blague. Cependant, serein et sage, il attribue ce geste regrettable à quelque pauvre bougre qui «a oublié ou qui ne sait pas» qu'on ne substitue pas un bien, quel qu'il soit, dans la Maison d'Allah. Avec un geste complaisant de la main, et plein de condescendance, il prie Allah de «pardonner» cet acte malheureux. En bon religieux et craignant, sans doute, de se tromper dans son appréciation de l'acte devant Dieu, il se console en disant que «cela ne peut qu'être une erreur.» Cependant, il nous a été rapporté que ces larcins sont parfois l'oeuvre d'individus qui rôdent dans les mosquées comme des «rats d'hôtel» en quête de la bonne affaire. Celle-ci peut prendre l'aspect d'une substitution de belles chaussures de marque (ils s'y connaissent!), après repérage de son propriétaire lorsqu'il les range avant de prendre place parmi les fidèles. Qu'importe si la pointure est différente, seule compte sa valeur monétaire! Il faut surtout faire vite, profiter de l'immanquable cohue à la sortie et avoir beaucoup de sang-froid pour faire croire éventuellement à une erreur et le...«tour est joué». Mais gare à celui qui est pris en flagrant délit ou même après l'acte, car la vindicte des fidèles est impitoyable et l'auteur se sentira bien proche de l'«Enfer» si pareil cas venait à se produire! Pour la petite histoire, Ammi Saïd, un «muezzin» rencontré non loin des lieux d'un «délit» similaire, commis il y a de cela quelques années, nous confie, amusé, mais déçu. «Un individu a été pris en flagrant délit dans la grande mosquée du centre d'Hussein Dey (Alger) avec un grand sac (oui un sac!) plein de chaussures qu'il venait de "ramasser". Après une bonne raclée administrée à souhait par les fidèles furieux, ledit individu été remis à la police du quartier qui l'a écroué». Il est toutefois heureux que ces cas extrêmes fassent exception. Les personnes qui ont bien voulu nous confier leur avis préfèrent pencher vers l'erreur car, disent-ils «ceux qui veulent voler, ne viennent pas commettre ce péché dans une mosquée» et le fruit interdit de cet acte est «minime» en soi. Que pourrait, en effet, rapporter une paire de mules ou de chaussures, même de marque, se consolent-ils, sans grande conviction? Et d'aucuns de rappeler que le «pécheur» algérien reste malgré tout proche de Dieu et craint les conséquences spirituelles de tels agissements, commis de surcroît dans une mosquée. Prenez l'exemple d'un «soûlard», il ne s'aventurera jamais à s'approcher de trop près d'une mosquée, de «vomir» des obscénités ou vociférer des injures près d'une habitation de quartier ou encore agresser ouvertement une femme en pleine rue...Ils ont tous des limites ancrées en eux par l'éducation religieuse qui a profondément, qu'on le veuille ou non, marqué la société algérienne à travers les siècles. Des «garde-fous» naturels existent pour éviter d'outrepasser ces «interdits». A propos d'hygiène, ne dit-on pas qu'elle est «le propre du bon musulman»? En effet, il faut dire et admettre sans réserve aucune, que la propreté est le maître mot qui caractérise l'état de nos mosquées. Des savonnettes sont disponibles dans les salles d'ablution où l'eau coule toujours grâce à des réserves jalousement entretenues, même lors des fréquentes coupures d'eau qu'ont connues, il y a quelque temps, les grandes agglomérations du pays. Il existe même des douches pour les «grandes ablutions», se laver ou se rafraîchir simplement. Les salles réservées aux ablutions brillent d'une propreté exceptionnelle qu'envieraient les tenanciers de nos cafés et restaurants, les établissements publics et même (eh oui!) certains...ministères où l'hygiène est une inconnue, même si l'eau coule à flots aujourd'hui. Dans les mosquées, ce sont, hélas, quelques individus qui attachent peu d'importance à leur hygiène corporelle et salissent les lieux. Ils se présentent devant Allah pour prier sans, par exemple, bien se laver les pieds, en tenue souillée, les ongles noirs de saleté, une tignasse hirsute, les oreilles sales... Des fidèles racontent qu'ils sont outrageusement agressés par la puanteur des pieds sales dans des chaussettes, lorsqu'ils s'agenouillent derrière d'autres croyants. D'autres déplorent aussi que souvent les tapis, souillés par ces pieds sales, indisposent et puent désagréablement au moment de poser le front en priant...