Avec Marco Pontecorvo, l'Italie détient un réalisateur au long cours qui va certainement faire parler de lui. Par rapport à Cannes, un mastodonte unique en son genre, Venise, présente des avantages que son aspect (faussement) provincial met aisément à portée de regard. Pour peu que l'on cultive une certaine distance par rapport aux événements, cet exercice s'avèrerait donc profitable pour saisir la psychologie d'un genre particulier de bipèdes, ceux qui ont la particularité d'attirer, à tout moment, la lumière sur eux. C'est le cas notamment, des (vraies) stars qui brillent de mille feux et «éclaboussant», au passage, toutes celles (et ceux, of course!) qui leur font cette haie d'honneur que l'on appellerait sur la Croisette, une foule déchaînée. Ici, donc, sur le Lido, le déchaînement est présent du fait du caractère latin de ces fans, stoïques sous le soleil...Alors, vu le nombre (réduit), il est donc plus facile de voir comment les vedettes, en confiance, se prêtent de bonne grâce au jeu. Et même de voir davantage que ce qui est offert à ce public, en poste depuis des heures durant. Ainsi, la soirée d'ouverture orchestrée par les frères Coen, a été une occasion amusante de voir comment les egos se livraient une bataille des plus feutrées, mais bel et bien réelle. Cela donnerait, à celui que cela intéresse, une idée, de la cote (ultra-secrète) que s'octroie chaque célébrité... Au vu de son pas de danse, entre le tango et le madison, il semble bien que le sympathique George Clooney est de plus en plus conscient que son ami Brad Pitt est en train de prendre de l'ascendant sur lui...Il n'y a qu'à voir ce numéro de danseur que Clooney a effectué, avec un détachement qui sied aux seuls interprètes de talent. L'air de rien, il levait le pied, faisait un tour sur lui-même dès qu'il se rendait compte que Pitt était encore retenu par des fans ou des photographes. Alors, le bellâtre pivote sur lui-même, pour retourner vers le groupe de groupies, qui le hélait depuis belle lurette, sans trop d'espoir... Clooney va même jusqu'à utiliser les «grands moyens», comme aller faire le clown derrière Pitt interviewé par une journaliste italienne. Il y a quand même un zeste de pathétique dans ce comique de circonstance...Il donne surtout une idée sur la conscience qu'ont (certaines) stars hollywoodiennes du caractère éphémère de leur statut. On est loin des mythes: Mc Queen, Taylor, Newman, Lancaster, Douglas et autres... Des noms adulés par un public qui les a, en grande partie, créés. Alors que depuis deux ou trois décennies, c'est le marketing qui déclenche les hostilités et puis le public qui embraie...D'où son caractère volatile, papillonnant d'un nom à l'autre, sans trop se fidéliser, sauf exception, évidemment. Cette évidence est aussi valable pour le Moyen-Orient, aussi. Même si les scrupules sont moindres, surtout quand il s'agit de femmes. Elles sont aussi vite adulées que brûlées, sans que ce même public ne s'en offusque outre mesure...Même quand elles sont sauvagement assassinées dans des suites luxueuses de palaces du Caire ou du Golfe... Moralité: c'est le talent qui prime et qui reste. Pas de méprise! Toutefois, il ne s'agit pas de contester le talent avéré, plus d'une fois, du (néanmoins) cabotin George Clooney, par exemple...Il n'y a pas lieu de se rendre à la Mostra pour le vérifier! Par contre, le voyage en vaut la peine pour «découvrir» que le savoir-faire peut, dans des rares situations, être héréditaire! Pour ce faire, la vision de Parada premier long-métrage d'un directeur photo (Antonioni, sur le tard, par exemple), qui a fait grande impression. Plus de dix minutes d'ovations à la séance publique de l'après-midi. Parada raconte l'histoire extraordinaire de Miloud Oukili, enfant d'Alger, né en 1972, d'un couple mixte qui s'arrêta, sur la route de Moscou, à Bucarest qui venait juste de se débarrasser du dictateur Ceausescu. Miloud se rendait dans la capitale de ce qui était encore l'Union soviétique, pour exaucer un rêve d'enfance, entrer dans la prestigieuse école du cirque moscovite. Mais à la gare du Nord de Bucarest, son regard fut attiré par le manège incessant de jeunes enfants pickpockets...Il faillit même en être une victime et c'est le nez rouge de clown, dont il s'affubla sur-le-champ, qui en décida autrement. De son sort et de celui des enfants dont il décida de partager le sort et de tenter de les sortir de la rue. Le prix à payer fut très cher, mais à la hauteur de la volonté de ce jeune Algérien (magistralement interprété par Jalil Lespert, enfant de couple mixte également). Le réalisateur de ce merveilleux film n'est autre que Marco Pontecorvo, le fils de Gillo Pontecorvo à qui, d'ailleurs, il le dédia pudiquement, en générique de fin, ainsi qu'à sa mère, Annia... «De mon papa, je n'ai gardé que l'usage précis du téléobjectif», confie ce cinéaste très prometteur et qui a hérité aussi de cette sensibilité à fleur de peau, mais sans concession, qui a été la marque de fabrique de son père. Avec Marco Pontecorvo, l'Italie détient, à ne pas douter, d'un réalisateur au long cours qui va certainement faire parler de lui, encore très longtemps... Pour la petite histoire, Miloud Oukili, inconnu en Algérie (ce qui n'est pas, au demeurant une surprise), a sauvé des rues romaines plus de 900 enfants et tel Le Joueur de flûte du conte d'Andersen (qui a tiré dans son sillage des centaines d'enfants, rien qu'au son de son instrument à musique). Il leur a appris la notion de respect de soi et, accessoirement, le métier de clown et de jongleur. Avec ces gamins, il a fait le tour d'Europe. Sur les terres latino-américaines, il en fit de même. L'abbé Pierre, lors de son déplacement en Roumanie, tint à le rencontrer et le pape Jean-Paul II en fit de même en le recevant au Vatican... Les enfants des différents Oued Smar d'Algérie, de toutes les décharges publiques, auront grandement besoin de voir Parada de Pontecorvo, pour ne pas toujours se sentir seuls et donc sur la voie de l'irréversible...Mais quid des Miloud sur ce vaste territoire qu'est l'Algérie?