Après une semaine de campagne menée au pas de charge, un bilan s'impose. Dans l'intervalle, Ali Benflis, secrétaire général du parti FLN, aura visité une dizaine de villes, tenu autant de meetings et harangué pour le moins une cinquantaine de milliers de personnes. Des hommes et des femmes, des jeunes et des moins jeunes, des citadins mais aussi des ruraux. Par temps froid comme à Sidi Bel Abbes, il y a quatre jours, ou par canicule comme à Tébessa et Souk-Ahras, mardi. Hier, il était à Mascara et Relizane, et aujourd'hui à Guelma, El-Tarf et Oum El-Bouaghi. Imperturbable pour ne pas dire stoïque, mais débordant d'aménité, il ne néglige aucun contact susceptible de le renseigner sur la vie des populations, sur leurs espoirs. Au début de la campagne, on ne comprenait pas pourquoi il s'était mis à répéter que le FLN présente, pour les prochaines élections législatives, des candidats dans les 48 wilayas du pays. Mais après l'avoir écouté une première, une deuxième puis une troisième fois, les journalistes qui l'accompagnent en ont conclu qu'il ne s'agissait nullement de psittacisme, mais d'une manière mnémotechnique de rappeler aux observateurs que le FLN peut compter sur la solidité de ses racines dans toute l'Algérie. Et comme le phénix, une bonne période de quiétude et d'innovation peut le faire renaître de ses cendres. N'en déplaise aux empêcheurs de tourner en rond de tous poils, c'est en tout cas ce que la campagne est en train de démontrer. Quant à sa base populaire qui lui échoit depuis 1954, on a plutôt l'impression qu'elle s'est consolidée. Grâce à la nouvelle génération et au travail de mémoire auquel la génération de combattants est revenue spontanément, mais aussi par crainte que la mémoire collective ne s'efface, le message de guerre et d'exploits, le message de l'honneur a progressivement repris ses droits. Peu de partis concurrents peuvent prétendre à un tel héritage. D'où l'emploi de l'argent sale par certaines formations pour gonfler sans vergogne leurs rangs à des fins honteusement électoralistes. On l'avait senti dès le premier jour. En effet, alors que le FLN, après 1988, avait été donné perdant et sa dépouille livrée, selon certains, au musée de l'Histoire, selon d'autres à l'arène pour être déchiquetée, le voilà plus que jamais revitalisé et prêt à négocier les grands tournants de l'Histoire. Un peu comme par le passé, mais avec cette différence que les armes dont il use ressortent aujourd'hui plus de la pédagogie et de l'engagement politique, ces derniers étant, par ailleurs, une constante à peine réorientée vers la modernité, que des pratiques génocidaires propres aux nébuleuses extrémistes du terrorisme à tout-va. Ce qu'il faut retenir du FLN d'aujourd'hui, c'est qu'en son sein des révisions déchirantes ont été pratiquées depuis 10 ans pour lui réinculquer une jeunesse de ton et de conviction. La raison? Légitime en tous points, elle aura permis, par vagues successives de lessivage impératif d'extirper de ses organes tous les germes qui, à un moment ou à un autre, l'auraient conduit par faiblesse ou dispersion de ses rangs, à être phagocyté ou à sombrer dans le gouffre sans fond de la surenchère au profit d'un parti portant le même nom, certes, mais aux principes cardinaux complètement dévoyés. Ce réajustement salutaire lui valut, on s'en souvient, de prendre la décision de s'éloigner quelque peu de la scène active, mais sans pour autant laisser un quelconque vide qui eût pu être aisément investi par des forces obscures, aux objectifs peu avouables. Aujourd'hui, sa «traversée du désert» semble sur le point de s'achever: il suffit, pour s'en faire une idée précise, d'assister aux meetings qu'il organise pour sentir l'enthousiasme envahir les villes où Ali Benflis a choisi de s'adresser aux foules et la difficulté qu'il éprouve parfois à faire taire l'assistance que ses paroles, d'une simplicité souvent désarmante, suscitent en leur sein. Nous avons d'emblée parlé de bilan. Il n'est pas terminé. Tellement de chemin reste à faire.