Les déclarations du chef de l'Etat, dimanche en Conseil des ministres, sont tombées à point. Elles remettent de l'ordre au sein du gouvernement et renforcent la position de Ahmed Ouyahia. Le chef du gouvernement avait-il besoin de ce petit coup de pouce? Homme à poigne réputé et capitaine d'équipe redoutable, Ouyahia aurait sans problème trouvé l'énergie nécessaire pour driver son staff. Mais voilà, lorsque l'on bénéficie du soutien du président de la République, la tâche devient encore plus facile car, ne l'oublions pas, le gouvernement actuel est constitué de différentes sensibilités politiques. Il s'articule autour d'une Alliance présidentielle qui est loin de former un pôle homogène. Elle a eu à faire la démonstration, par un passé récent, de ses divergences sur des sujets aussi sérieux que l'amendement de la Constitution par exemple. Elle ne justifie son existence que sur la base d'un modus vivendi: l'application du programme de développement économique du chef de l'Etat. Quelques mois avant sa nomination à la tête du gouvernement, le secrétaire général du Rassemblement national démocratique que l'on donnait d'ailleurs pour moribond, assistait en homme politique averti et comme tout citoyen algérien à une cacophonie ambiante sans précédent de la part de certains membres de l'Exécutif. En la matière, la passe d'armes entre l'ancien ministre de l'Agriculture et du Développe-ment rural Saïd Barkat, et El Hachemi Djaâboub, ministre du Commerce demeure mémorable. Le premier rejetant toute responsabilité en ce qui concernait la flambée des prix, notamment la pomme de terre qui a tenu le haut du pavé en affichant pendant de nombreux mois 70DA, alors que le second mettait hors de cause son département et les services chargés de contrôler et réguler le marché des produits de consommation. Les deux hommes se sont longtemps renvoyé la balle sous l'oeil «mi-amusé» des citoyens algériens. La brèche était ouverte et Ahmed Ouyahia n'a pas tardé à porter l'estocade. En personnalité politique responsable, le patron du RND ne pouvait rester les bras croisés ou garder le silence devant une gestion aussi chaotique des affaires du pays. Il faut mettre fin à cette politique d'assistanat qui a caractérisé la gestion du pays depuis l'indépendance. Ouyahia l'a encore martelé lors de l'ouverture du 3e congrès du RND. «La bonne gouvernance ne consiste pas seulement à dépenser les recettes du pétrole», avait déclaré le 25 juin 2008 le patron du Rassemblement national démocratique. Le chef de l'Etat a conforté la position de son chef du gouvernement en déclarant, dimanche, en Conseil des ministres: «Le budget public a désormais atteint des montants très lourds par rapport aux moyens réels du pays», a fait remarquer M.Abdelaziz Bouteflika. Les ministres de la République se sont fait remonter les bretelles. Et ce n'est certainement pas fait pour déplaire au patron de l'Exécutif, fraîchement nommé. Le retour de Ahmed Ouyahia a certainement fait grincer des dents certains de ses ministres qui n'ont pas manqué de l'écorcher, il y a tout juste quelques mois. «Vous avez tout faux, M.Ouyahia!», avaient répliqué Tayeb Louh, ministre du Travail, de l'Emploi et de la Sécurité sociale, et Saïd Barkat, ministre de l'Agriculture, au secrétaire général du RND qui avait dénoncé, au mois de décembre 2007, le recours systématique aux subventions par le gouvernement Belkhadem pour faire face aux crises cycliques de l'économie nationale. «La subvention de l'Etat n'est ni du populisme ni du social gratuit», lui a sèchement répondu Saïd Barkat, l'actuel ministre de la Santé, au cours d'une conférence de presse qu'il avait organisée au siège de son ex-département, au mois de décembre de l'année dernière. Les points d'achoppement n'ont pas manqué entre les grosses pointures du FLN et leur chef du gouvernement actuel, Ahmed Ouyahia. C'est ainsi qu'au mois de février 2008, Djamel Ould Abbès avait tenté de mettre à rude épreuve les nerfs du patron du RND. «Vous perdez votre sang-froid, M.Ouyahia!», avait lancé le ministre de la Solidarité nationale en direction du leader du RND. Le sujet de la polémique? L'échec de la mission impartie au ministère de la Solidarité. Ahmed Ouyahia l'explique: la prolifération de la pauvreté et de la mendicité. C'était à l'occasion de la célébration du 11e anniversaire de son parti que le secrétaire général du RND s'était exprimé. Et Djamel Ould Abbès a dû certainement voir rouge. Pour se défendre, il souligne que la politique que mène son gouvernement depuis plusieurs années ne se résume pas au couffin du Ramadhan, distribué chaque année, ni aux 2000 DA remis aux nécessiteux. Et lorsque l'on demande au chef du gouvernement quelles sont ses relations avec ses ministres du Front de libération nationale, il répond: «Avec nos amis du FLN, c'est comme dans un match de football, lorsque la partie est terminée, on se sert la main.» Sauf que cette fois-ci, c'est lui qui porte le brassard de capitaine et tous doivent jouer pour lui.