Le constat qu'il vient de faire de la manière dont sont gérées les affaires de l'Etat est loin de lui plaire. «Je pense que nous nous trouvons dans une situation d'inertie dans l'attente d'instructions venant du sommet», a souligné Abdelaziz Bouteflika, le 26 juillet, prenant à témoin les 1541 présidents d'APC que compte le territoire national. L'avenir de nombreux ministres au sein du gouvernement semble scellé si l'on se fie aux derniers discours du président de la République. Finis les discours triomphalistes des membres de l'Exécutif. Abdelaziz Bouteflika veut du concret puisque on se dirige tout droit vers la fin de sa seconde magistrature, l'heure des bilans a sonné. Le constat qu'il vient de faire de la manière dont sont gérées les affaires de l'Etat est loin de lui plaire. Le programme de développement économique qu'il a initié et que ses ministres devaient exécuter à la lettre et dans des délais fixés, n'a pas répondu à ses attentes. Des sommes colossales ont été injectées pour certains projets d'envergure. Le Président veut mettre le holà avant qu'il ne soit trop tard. Son chef du gouvernement est sur la même longueur d'onde que lui: «Il y a une absence d'harmonie dans la mise en oeuvre de la pensée globale du président de la République», relèvera Ahmed Ouyahia. Et comme pour enfoncer le clou il ajoute: «L'investissement ce n'est pas seulement la construction de routes, d'écoles ou encore je ne sais quoi.» Inertie, imagination. Deux mots-clés dans l'intervention du président de la République devant l'ensemble des maires d'Algérie. Bouteflika avait-il condamné ce jour-là l'action de ses ministres «On a échoué». La sentence est tombée. Le président de la République appelle l'Exécutif à faire preuve de plus d'imagination et à moins de surplace, mais n'est-il pas déjà un peu trop tard pour eux? Les remarques pleuvent. Elles sont même extraordinairement étonnantes, surprenantes. «Certains problèmes soumis au gouvernement concernant les régions du Sud me laissent perplexe et relèvent de l'imaginaire. Chacun de nous doit assumer ses responsabilités.» Ce qui est valable pour le gouvernement est aussi valable pour les élus. Abdelaziz Bouteflika a ce franc-parler qui le caractérise. La remise à l'ordre. Le rappel à l'ordre de ses ministres en Conseil des ministres est loin de constituer une simple remarque. Ils devront dorénavant rationnaliser les dépenses de leurs budgets. Terminées les déclarations claironnantes. Khalida Toumi n'avait-elle pas déclaré au mois de décembre 2007 à l'occasion de la clôture de la manifestation «Alger, capitale de la culture arabe»: «L'Algérie a gagné économiquement...» Quand on sait que les exportations hors hydrocarbures rapportent, bon an mal, au 1 milliard de dollars, on peut légitimement se poser la question sur la performance économique de cet événement. Mais il y a encore assez grave: les déclarations des ministres qui ont publiquement avoué l'échec de leur mission. «La crise que vit la jeunesse algérienne est née de la mauvaise gestion des problèmes des jeunes», avait fait remarquer El Hachemi Djiar, ministre de la Jeunesse et des Sports le 13 mai 2008. Le phénomène «harragas» illustre au plus haut point cette triste réalité, mais elle met surtout en relief ce manque d'imagination soulevé par le chef de l'Etat pour apporter des solutions adéquates à un tel problème. Prévenir? Réprimer? Quel type de réponse à apporter à ce fléau? Le gouvernement a montré ses limites. Que dire de la crise de la pomme de terre, de celle du lait ou alors de cette fameuse dette de 37 milliards de dinars que les paysans algériens traînent comme un boulet. «L'ère de l'effacement de la dette des agriculteurs est révolue. L'Etat avait déjà recouru à cette procédure en 2005», avait déclaré l'ancien ministre de l'Agriculture, Saïd Barkat. Et comme pour enlever toute perspective de sortie de crise à ce secteur aussi vital, Hamid Temmar déclare: «On a oublié l'agriculture», dans son projet de stratégie industrielle. La coupe est certainement pleine. A l'horizon pointe une rentrée scolaire qui serait certainement rythmée par les revendications des syndicats autonomes de la Fonction publique. L'action du gouvernement entre dans sa phase terminale. Elle a été menée comme une thérapie qui s'est avérée inadéquate pour traiter une mauvaise maladie. Elle a donné naissance à des effets secondaires qui n'ont fait qu'empirer son état de santé. Ahmed Ouyahia ne l'a-t-il pas diagnostiqué? L'économie se porte mal. «Notre pays est toujours gravement dépendant des seules recettes de pétrole, y compris pour garantir notre alimentation», avait-il averti lors de l'ouverture du 3e congrès de son parti, le 25 juin 2008. Il y a suffisamment de femmes et d'hommes pour nous éviter une catastrophe. Bouteflika leur fera-t-il appel? Rendez-vous en avril 2009.