Tout un chacun se lève du pied gauche, la mine renfrognée, les paupières lourdes... Tout le monde traîne le pas et le corps avec et même l'esprit, qui, lui, vaque à d'autres préoccupations. C'est de monsieur Tout-le-monde qu'il s'agit, mais non pas le monsieur de tous les jours, le jeûneur qui entame sans enthousiasme aucun la première semaine du mois de Ramadhan. Aucune personne ne s'est encore habituée à sortir le matin de chez sans petit déjeuner. Avec des efforts «surhumains», et après une soirée «arrosée» de moult tasses de café ou verres de thé, les jeûneurs se lèvent tous du pied gauche, comme ils se plaisent à le raconter le soir venu. Sans prononcer un mot, ni même dire «bonjour» si d'aventure ils croisaient quelqu'un de la famille dans le couloir. Ils tâtonnent presque pour trouver la salle de bain et une fois à l'intérieur de longues secondes, voire des minutes, s'écoulent avant qu'ils ne se ressaisissent, (c'est trop dire) pour utiliser le lavabo sur lequel ils sont déjà affalés. Les plus courageux d'entre eux, (ça existe), prennent même une douche salutaire, d'autres se rasent pour paraître plus frais, mais ce ne sont pas les gestes quotidiens auxquels ils sont tous rodés. La lenteur du rythme de leurs mouvements trahit la torpeur dans laquelle ils sont plongés. Enfilant avec maladresse et précipitation leur pantalon fripé, après une nuit juché sur une chaise, un coup de peigne hasardeux et voilà notre «gus» dans la rue, dans l'arène devrions-nous dire. En effet, une véritable journée de combat l'attend. La fameuse clope usuelle en sortant de l'immeuble n'est pas au rendez-vous et le regard croisé coutumier avant d'entamer le chemin du boulot n'est pas illuminé, il est terne, avec des paupières chancelantes, fatiguées, lourdes... La rue n'est pas encore «réveillée». Hormis quelques passants en retard (ils le sont tous d'ailleurs). Ceux-ci font semblant de se presser pour arriver de bonne heure au bureau où pour certains, y piquer un roupillon bien «mérité». Un fois arrivés, ils ne manqueront pas d'instruire la secrétaire qu'ils sont chacun en réunion avec le wali, ou le SG du ministère...si quelqu'un venait à les demander au téléphone. Les scènes les plus remarquées, parfois insolites, se déroulent dans le bus ou même avant son arrivée. L'on assiste à des étirements sans pudeur, accompagnés de «vagissements» pour le moins incorrects au grand dam des femmes présentes. Tout le monde a la mine renfrognée, comme d'ailleurs durant tout le reste de l'année, mais en plus prononcé en ces temps d'abstinence. Aucune esquisse de sourire, ne se dessine sur ces «faces de carême» qui pensent déjà au f'tour et à la sahra entre copains. Les bus sont toujours bondés, aux heures de pointe, pour le monde du travail, mais plus étalées, car les retardataires sont légion pendant le Ramadhan. Ça continue tout le reste de la journée dans ces bus qui transbahutent toute une population s'en allant au marché ou vagabonder, à la recherche d'une quelconque attraction ou scène pouvant occuper le quidam un certain temps et qu'il narrera plus tard dans la soirée. Une autre catégorie de citoyens ne prend guère le bus. Elle ne peut que s'agglutiner sur les bancs du square du quartier. Ce sont ces vieux retraités que l'on «chasse» quasiment du logis familial qui devient un véritable chantier où tout est mis en branle dès le dernier mâle sorti. Il ne faut pas cependant oublier les éternels «loirs» que composent les innombrables jeunes chômeurs-veilleurs dont le rythme horaire de vie subit un changement radical de 100%. La nuit devenant jour et vice versa. Ils ne se réveillent qu'à la dernière heure ou même aux dernières minutes précédant l'appel du «muezzin» à la prière du maghreb marquant la fin de la journée de jeûne du mois de Ramadhan, quatrième précepte des cinq obligations de l'Islam.