Bien que très sollicité, le vendeur d'épices semble être le plus serein du marché. Faire comme Marco Polo pour aller chercher des épices en Chine? Nul besoin. Les épices nécessaires à notre cuisine traditionnelle sont là. Présent dans tous les marchés des villes d'Algérie, petites et grandes, bourgs et villages, le vendeur d'épices est le seul qui ne hèle pas les chalands dans les marchés. Même dans ceux des vieux quartiers de la capitale, où les vendeurs souvent appellent les clients pour susciter l'achat de leurs produits, il est discret, effacé même, comme les gens du Sud nombreux qu'ils sont à pratiquer cette profession. Tout comme le marchand d'herbes aromatiques, il est sollicité tout le long de l'année et plus particulièrement en cette période de jeûne. Il est là soigneux, méticuleux presque, disposant «savamment» ses produits en mettant en valeur les couleurs chatoyantes des denrées. Les verts des divers «mermaz», les couleurs chaudes du «fric», les rouges écarlates des poivrons rouges moulus (Akri) ou de piment fort moulu, les couleurs pastel de plusieurs sortes de safran qui vont du rose pâle au rouge «crevette»...Tous ces ingrédients donnent à cet étal un bouquet de couleurs attirantes qui diffèrent forcément des autres étals dont les aspects visuels ne sont pas du reste négligeables. Ce sont en effet de véritables jardins «suspendus» qui n'échappent guère au regard rompu de la ménagère. Elle est certes attirée par cette exposition mais vigilante, on ne saurait la tromper quant à la qualité du produit. Lui, c'est le marchand d'épices. Tout comme pour les herbes fines vendues par les étals voisins, une meïda de Ramadhan ne saurait être ce qu'elle est, ou ce qu'elle devrait être, sans les épices odoriférantes et goûteuses qui font des plus simples plats des mets recherchés. Djeldjlen, (graines de sésame pour les gâteaux) djouz ettayab, zendjabir, essanoudj pour le pain-maison, kesbar moulu...enfin une mirabelle de vocables évocateurs et, pour les profanes, aussi curieux les uns que les autres. Ils chantent les pays d'Orient mais aussi le Maroc d'où nous proviennent moult épices qui font la réputation des plats marocains. Chez nous, les régions du sud, en l'occurrence Bou Saâda et M'Sila, sont passés maîtresses dans la culture et le négoce des épices et beaucoup de détaillants s'y approvisionnent. D'ailleurs, nous disait un de ces vendeurs «vedettes» du Ramadhan, le meilleur poivre rouge doux moulu (Akri) vient du Maroc qui pourvoit notre pays en diverses plantes aromatiques pour la cuisine comme pour les menus soins de santé. Par exemple, les racines du gingembre ou «skendjbir» sont macérées dans l'eau claire qui est bue pour apaiser certains maux d'estomac Il expliquera à L'Expression que certaines épices sont artificiellement colorées. On ne peut s'en apercevoir qu'une fois dans l'eau trahissant le produit coloré ajouté qui remonte à la surface comme un intrus dans la marmite. Le «mermaz», blé vert moulu au prix de 300DA le kilo, très recherché pour la chorba, subit souvent cette pratique frauduleuse. Le «frik», fait de blé dur moulu tient la côte à 200 DA/kilo, est l'autre produit de base qui côtoie concurremment les «cheveux d'ange» ou la «m'ketefa» dans la préparation de notre chorba quotidienne. Il y va de la réputation du marchand que de vendre des sous-produits. Par contre sa gloire ne fera que se renforcer et transmise de bouche à oreille sans «pub» aucune s'il vend des épices de qualité. Aussi, nous a confié un marchand, nous sommes très attentionnés dans nos achats lorsqu'on va chez les marchands en gros. Ceux-ci sont répartis, pour Alger, entre Kouba (Jolie Vue) et Oued Smar.