Le jeu de dominos, favori de milliers de personnes, devient un phénomène de société, notamment durant le mois de Ramadhan. «Mais non, il ne fallait pas poser ton double six, tu devais jouer le cinq, comme ça j'aurais fermé le jeu et j'aurais achevé la partie, tu a été complètement à côté...», s'emporte ammi Saïd, un professionnel du jeu de dominos. Ammi Said n'est pas le seul à pratiquer ce jeu qui devient un véritable phénomène de société, notamment durant ce mois de Ramadhan. La question des veillées ramadhanesques se pose à chaque arrivée de ce mois sacré. Où peut-on trouver l'endroit idéal pour veiller? Et encore, que faire pour que le temps passe? Jeune ou vieux, tous sont taraudés par cette question. Cela est dû, parfois, au manque flagrant d'activités culturelles à Bouira. Toutefois, les citoyens de cette ville savent comment rompre la monotonie avec le domino, jeu favori de milliers de gens, grands ou petits. Le phénomène du domino semble prendre une grande partie du quotidien de l'Algérien, surtout quand il s'agit du mois de Ramadhan, mois par excellence où ce jeu de société est indispensable. A l'occasion, des équipes de deux ou quatre personnes se forment selon les affinités, autour d'une table dans un café et le jeu commence. Il s'agit d'agencer les petits rectangles de dominos numérotés suivant des règles bien précises et le premier, qui se débarrasse de ses sept dominos, gagne la partie avec son copain de jeu. Parfois, on improvise des places en dehors du café, à la belle étoile, et ce, quand les places y font défaut. L'unique souci est de ne pas se rendre compte du temps qui passe. Juste après la rupture du jeûne, les gens se pressent pour sortir. En quittant leurs demeures, ils se lancent dans la quête des moments perdus de la journée. Direction cafétérias, les tables sont prêtes. Seulement, on doit attendre quelque temps, que les autres gens prennent leur café dans le calme. Café, thé et autres boissons font le plaisir des jeûneurs. Mais, malgré toute cette joie qu'on découvre après une journée difficile, les gens restent accrochés aux petites pièces de domino. Vers 22h, après les «taraouihs», des dizaines d'autres jeunes rejoignent leurs amis. Et la séance de domino commence. Au centre-ville de Bouira, quelques cafétérias sont restées fidèles à ce jeu durant le mois de Ramadhan. «Du moment qu'on n'a pas où aller, on joue au domino», dit un jeune qui avoue être incapable de rester une nuit sans jouer. Le plus marquant dans tout cela, c'est quand on trouve des vieux et des jeunes partageant une partie de domino. Pour eux, la différence d'âge n'est qu'un petit détail, pourvu que ça joue et que le temps passe. L'équipe perdante est obligée de payer quelque chose à manger ou à boire aux gagnants, comme cela est dicté par la règle du jeu. Au moment où les autres se hâtent de rentrer et laisser les ruelles seules dans la nuit, il se dégage, de l'intérieur des cafétérias, une ambiance particulière. Au fond de la dense fumée des cigarettes, des dizaines de personnes n'ont qu'un but: gagner la partie. Les cris des joueurs s'entendent de loin. Parfois on dirait une bagarre qui éclate, mais la tension baisse et le jeu continue. Cette situation est vue partout à travers les cafétérias de la wilaya. Loin dans les villages, le rythme des soirées ramadhanesques n'est pas celui des villes. Au village, on se contente d'improviser un lieu où il serait bon de se rencontrer. C'est ce qui se passe dans plusieurs bourgades. Pas de cybercafé, ni salle de loisirs, des centaines de jeunes sont contraints de passer le mois sacré dans un silence total. Du bruit assourdissant des cafétérias et du silence de mort qui règne ailleurs, loin de la ville, c'est ainsi que s'écoule la vie nocturne durant le mois de Ramadhan. Les joueurs de domino sont les derniers après avoir été les premiers à sortir de chez eux la veille.