Des confiseries orientales de toutes sortes occupent les étals, reléguant, loin derrière, des sucreries censées être plus spécifiques au mois sacré. El Tarf, dans l'extrême nord-est du pays, ne déroge pas à la règle et la fameuse zlabia qui était considérée jusqu'à un passé récent comme indispensable à la table du f'tour est progressivement supplantée par d'autres friandises et n'attire plus beaucoup de monde. Les raisons de cette relative désaffection à l'égard d'un produit culte et si symbolique de cette période spéciale sont à rechercher, entre autres, dans un phénomène de mode qui porte le consommateur vers d'autres sources de jouissances après une longue journée de jeûne, plutôt que sur une zlabia vieillissante, mais aussi par son prix jugé excessif, à 180-240 DA le kilogramme selon les qualités. Les consommateurs se rabattent, en effet, de plus en plus sur d'autres confiseries orientales préparées localement tels que kalb ellouz et la baklaoua qui ont carrément envahi l'artère principale et la ruelle marchande d'El Tarf-ville. Kalb ellouz, notamment, s'écoule un peu trop facilement malgré une qualité qui laisse parfois à désirer, comme l'attestent les connaisseurs. Les marchands de kalb ellouz, cédant le morceau d'une centaine de grammes à 15 dinars, sont heureux de l'aubaine et ne s'embarrassent pas de scrupules inutiles puisqu'ils estiment que s'ils ont réellement trouvé leur compte, le consommateur, ayant, lui aussi trouvé un substitut aux sucres que lui procurait la bonne vieille zlabia, aujourd'hui quelque peu abandonnée. Kalb ellouz, doré, aromatisé et miellé jusqu'à attirer des nuées d'abeilles bourdonnantes, fait la joie des jeunes revendeurs, qui ont trouvé une autre source de revenus et le bonheur du consommateur dont les yeux, c'est connu, sont «plus gros que le ventre» durant ces 30 jours d'abstinence. Un kilogramme de semoule bien roulée, de l'huile ou une autre graisse végétale, un peu d'arôme artificiel ou d'eau de fleur d'oranger, le tout doré au four, trempé de miel, et le tour est joué. Des plateaux entiers de ce gâteau sont également cédés aux cafetiers qui les revendent pendant les veillées à quelque 20 dinars le morceau, ce qui représente un gain supplémentaire conséquent. La baklaoua attire, quant à elle, une autre catégorie de consommateurs relativement aisés qui peuvent se payer un morceau d'une cinquantaine de grammes à 25 dinars. Préparée à base de cacahuètes locales (les «petites calloises», récoltées au début du mois de Ramadhan), cette confiserie est très prisée même si l'on sait que la baklaoua se fait normalement avec les amandes, hors de prix. Pour éviter des frais supplémentaires qui se répercuteront inévitablement sur le prix de vente, les fabricants de cette confiserie se sont rabattus en masse sur les cacahuètes pour remplacer les amandes, a souligné simplement un revendeur occasionnel. Kalb ellouz et baklaoua semblent, en tout état de cause, s'être donné le mot pour battre à plate couture la zlabia qui paraissait pourtant «indélogeable» durant le mois de toutes les gourmandises.