Si vous ne connaissez pas le Café de Gide, c'est que vous n'êtes pas de Biskra. Dans son nouvel ouvrage, le prolifique Hamid Grine nous invite à une sorte de ressourcement dans sa ville natale, Biskra, la grande oasis des Zibans. Qui mieux qu'André Gide pouvait en être le prétexte et le fil conducteur? Le narrateur, Azzouz, est un homme qui a réussi dans la capitale - auteur à ses moments perdues, il a même acquis une certaine renommée d'écrivain dont les échos sont parvenus jusqu'à sa lointaine ville natale - allant jusqu'à se laisser aller à une certaine suffisance et autre mauvaise humeur, envers ses interlocuteurs. Cela a été le cas avec son correspondant qui l'appelait de...Biskra. Azzouz, n'en revient pas! Biskra? Qui peut bien m'appeler de Biskra? se dit-il, de très mauvaise humeur. Or, c'était un «coup» de fil d'un vieil ami qui se rappelait à son souvenir, mais Azzouz ne reconnu pas immédiatement cet ancien camarade de classe. Est-ce encore un de ces «gratteurs» qui viennent solliciter un service? s'interrogeait notre homme, avant de «situer» l'importun qui n'est autre qu'Omar, un ami d'enfance demeuré dans son «bled» où il activait en tant qu'enseignant. Découvrant sa méprise, Azzouz se confond en excuses et est tout content d'entendre cette voix amie, quelque peu oubliée et perdue de vue. Les péripéties de la vie, quoi! Mais, se dit Azzouz, Omar n'a tout de même pas appelé, après tant d'années de silence, juste pour lui dire bonjour? Certes pas. Aussi attendait-il la suite. Quant Omar prononce ce mot magique «Gide», Azzouz entre en léthargie. Quoi s'émeut-il, Gide? Tu as dit Gide? Pour Azzouz, qui a commis un opuscule sur le célèbre écrivain français, c'est un peu le déclic qui le renvoie, quarante ans en arrière, dans cette Biskra visitée et revisitée par un Gide à la réputation alors sulfureuse. Et puis, n'est-ce pas, on ne peut évoquer Gide sans penser à Biskra et vice versa. Mais Omar parla à son ami d'un certain document que son père, décédé, lui laissa en héritage, document qui concerne évidemment l'énigmatique écrivain français dont la renommée n'était pas uniquement littéraire. Azzouz, bien appâté, n'avait alors de cesse de connaître le fin mot de cette histoire. Et puis, Azzouz qui se pose comme «spécialiste» de Gide auquel il consacra un factum, n'est pas finalement mécontent de renouer avec sa ville natale et promet à Omar d'y venir bientôt. Hamid Grine, dont le roman a comme toile de fond la grande oasis du Sud, mêle intelligemment l'intrigue du séjour biskri du Nobel de littérature 1947, aux réminiscences d'une enfance heureuse passée dans cette ville aux portes du désert. L'Algérois d'adoption tente ainsi de reprendre pied dans une réalité, celle de son enfance quelque peu oubliée, enfouie au fin fond de son inconscient. Donc, alléché par l'énigmatique document laissé par le défunt père de son ami - lequel, précisa Omar, à fréquenté le «Grand Homme» - Azzouz était impatient de renouer avec la ville qui l'a vu naître, avec laquelle il coupa ses liens depuis des années. Réminiscences du passé, enquête au présent sur l'improbable Café de Gide et le non-moins mystérieux «document» dont a hérité Omar qui veut en faire partager les secrets à son ami Azzouz. Le Café de Gide est un roman qui se lit facilement, concis (156 pages), il va directement au but, sans fioriture. Mais c'est surtout, en fait, un hymne à l'amitié et un hommage à cette grande oasis des portes du Sahara: Biskra. Et les Biskris ne manqueront pas de se dire en refermant le volume: «Bienvenue chez toi, Hamid». Le Café de Gide, vient juste après respectivement La dernière prière et La Nuit du henné qui ont obtenu un grand succès éditorial.