Celui qui a damé le pion à Assia Djebar puise l'essentiel de son écriture dans le roman familial avec une attirance pour les thèmes du paradis perdu. Les dés sont jetés. Le résultat a été dévoilé jeudi par l'Académie suédoise. Celui qui a damé le pion à l'écrivaine Assia Djebar, s'appelle Jean-Marie Gustave Le Clézio, l'auteur français du celèbre Désert. M.G. Le Clézio est le 14e lauréat français du prix Nobel de littérature. Il succède ainsi à Claude Simon (1985), Jean-Paul Sartre (prix décliné) en 1964, Saint-John Perse (pseudonyme d'Alexis Léger) (1960), Albert Camus (1957), François Mauriac (1952)et André Gide (1947), ou encore Bergson (1927)pour ne citer que ceux-là. A côté, l'Amérique fait pâle figure et commence a se plaindre de son isolement. Car, au cours des 20 dernières années, les écrivains européens dominent largement. Ce prix qu'on doit à un industriel et scientifique suédois, Alfred Nobel (1833-1896) a été lancé pour récompenser, chaque année, la personne qui a conféré à l'humanité le bienfait le plus important dans sa discipline. Le prix littéraire est le plus convoité car le mieux doté au monde. A savoir10 millions de couronnes suédoises (1,4 million de dollars). Cependant, ce prix est là, moins pour récompenser une plume qu'une idéologie si l'on se réfère aux thèmes traités par la plupart des prix Nobel dans le monde. La roue tourne et la France, plus globalement l'Europe, semble légitimer le retour aux sources. Autrement, un auteur qui préconise, dans ses écrits, le retour aux choses simples sans se démarquer d'un fond qui prône «le voyage de l'exil et de la nostalgie des mondes primitifs», les sujets de prédilection de Le Clézio. Aussi, l'Académie suédoise a expliqué avoir récompensé Le Clézio pour être «l'écrivain de la rupture, de l'aventure poétique et de l'extase sensuelle, l'explorateur d'une humanité au-delà et en-dessous de la civilisation régnante». Et au lauréat, de déclarer, lors d'une conférence de presse improvisée quelques heures plus tard à Paris: «C'est une description très élogieuse, je ne suis pas sûr de mériter cela.» Le désormais prix Nobel de littérature, fidèle à son tempérament discret, connu aussi pour ses réserves quant à la société de consommation, n'a tenu qu'un seul message, celui de «continuer à lire des romans» et à «se poser des questions». Il s'est dit aussi «très heureux» et «assez ému», quelques heures après avoir été désigné pour ce prestigieux prix. Il rendra aussi hommage à sa «petite patrie», l'île Maurice, d'où est originaire sa famille et qui habite une partie de son oeuvre, Ritournelle de la faim, son dernier livre, paru début octobre, lequel est centré sur l'histoire de sa mère, Simone (Ethel dans le roman), rentrée en France dans les années 1930. La figure du père, un médecin de brousse anglais, a été traitée en outre dans l'Africain (2004).Né le 13 avril 1940 à Nice, dans le sud de la France, d'une famille émigrée à l'île Maurice au XVIIIe siècle, Jean-Marie Le Clézio a la double nationalité, française et mauricienne. «La France est ma patrie d'élection pour la culture, la langue, (...) mais ma petite patrie, c'est l'île Maurice», a-t-il relevé. J.-M.G. Le Clézio avait déjà reçu, en juin dernier, le prix littéraire suédois Stig Dagerman qui lui sera remis le 25 octobre, à Stockholm. Son écriture est classique, simple mais raffinée, colorée. Alors âgé de 23 ans, il a reçu en 1963 le prix Renaudot, un des prix littéraires les plus célèbres en France, pour son premier roman, Le procès-verbal. Influencé au début par le nouveau roman, Le Clézio va évoluer vers une littérature plus spirituelle avec une attirance pour les thèmes du paradis perdu. Le romancier a beaucoup voyagé depuis sa jeunesse, aux Etats-Unis, en Thaïlande en tant que coopérant, au Mexique et a été employé dans les années 70 par l'Institut d'Amérique latine en Amérique centrale. J.-M.G Le Clézio a notamment écrit La fièvre, L'extase matérielle, Terra amata, Le livre des fuites, La guerre, Désert (peut-être son chef-d'oeuvre), Le chercheur d'or, Onitsha, Etoile errante, Le poisson d'or, Révolutions, Ourania. Marié et père de deux filles, il vit à Albuquerque, dans l'ouest des Etats-Unis, mais vient souvent à Nice et dans sa maison bretonne de la baie de Douarnenez. Ce nomade n'est pas un ermite. Il est notamment membre du jury du prix Renaudot. Le romancier refera le voyage le 10 décembre prochain, pour aller chercher son Nobel.