Ce sujet sensible a été abordé par Ahmed Fattani dans une émission télévisée. La question de l'état d'urgence revient épisodiquement sur les devants de la scène politico-médiatique, sans que cela soit pris au sérieux par les plus hautes autorités du pays. En fait, tant que des leaders de parti traitent de ce sujet sur les colonnes de journaux, les décideurs arrivaient très facilement à mettre leurs déclarations sur le compte des propositions partisanes, donc discutables, d'autant que les auteurs desdites déclarations n'ont aucune prise sur le pouvoir. Cependant, il se trouve qu'à quelques encablures de la tenue des élections législatives, le chef du Cabinet de la présidence de la République a jeté un véritable pavé dans la mare en affirmant à un quotidien français sa position personnelle par rapport à la question. La sortie médiatique de Larbi Belkheir a fait l'effet d'une bombe dans les milieux officiels de la République. Aussi, les rumeurs les plus folles ont circulé sur la question de l'état d'urgence et l'on a donné sa levée pour après les prochaines élections législatives. Seulement, il est apparu, au fil des prises de position des uns et des autres, que le souhait «personnel» de Larbi Belkheir était loin d'être partagé en haut lieu. La guéguerre de salon qui s'en est suivie n'a pas franchi les murs épais du pouvoir. Le débat, s'il a vraiment eu lieu au sommet de l'Etat, n'est pas du tout parvenu à l'opinion qui, elle, se contentait de bribes de rumeurs, relayées par la presse écrite et généralement sans consistance, car quasiment invérifiables. En outre, cette question n'a jamais été portée au grand public à travers un média lourd. S'il est arrivé qu'elle soit soulevée, la problématique de l'état d'urgence a été posée par des responsables de parti et tout de suite noyée dans des considérations d'ordre partisan. C'est en cela que l'intervention télévisée du directeur de L'Expression, Ahmed Fattani est intéressante à plus d'un titre. En effet, en étalant ses propositions de sortie de crise en Kabylie et liant cela à la nécessité de la levée de l'état d'urgence, Fattani a frappé au coeur du problème algérien sans avoir à justifier cela par un quelconque discours politicien pour se disculper d'une éventuelle tare. Intellectuel qui plus est journaliste, le directeur de L'Expression n'a aucun intérêt ou groupe à défendre. C'est en patriote qu'il a soumis ses propositions de sortie de crise. Le discours de Fattani a été reçu cinq sur cinq par les citoyens. Cela constitue en soi une brèche que les tenants du maintien de l'état d'urgence semblent avoir jugée suffisamment importante pour tenter de discréditer leur contradicteur en montant une histoire abracadabrante. En définitive, il est clair que la question du maintien ou non de l'état d'urgence, à chaque fois qu'elle rebondit sur la place publique, fait l'objet d'une tentative d'étouffement de la part de certains cercles au pouvoir. Ces derniers donnent la fâcheuse impression de refuser tout débat transparent sur la problématique de la gestion des affaires publiques et plus précisément l'état d'urgence. Ahmed Fattani a révélé aux Algériens ses convictions profondes. Il aurait été plus judicieux de lui apporter la contradiction sur un plateau de télévision au lieu de recourir à des méthodes burlesques, dans le but de lui enlever toute crédibilité devant l'opinion. Cela dit, le débat est désormais ouvert et les citoyens ne sont pas dupes.