Le coeur de l'avenue Bourguiba (Tunisie) bat au rythme du 7e art. Carthage a retrouvé son public de cinéphiles. Il est vrai que ce festival en est déjà à sa 22e édition. Ainsi, sa renommée est bien assise et trouve toujours écho auprès du public tunisien. Chaque soir, règne un grand chahut au niveau des salles où se déroulent les films en compétition officielle. Le rendez-vous de cette année offre un gros plan sur le cinéma algérien. Au programme, pour lancer ce cycle, le dernier film de Nadir Moknache, Délice Paloma, (2006) avec sa désormais comédienne fétiche, Beyouna. Bien que plus soft que Viva Laldjérie, Délice Paloma, réalisé avec le concours de «Alger, capitale de la culture arabe», développe un sujet encore plus pernicieux. Mais Nadir Moknache se répète, en fait, même dans le tournage de quelques scènes où l'on retrouve une Beyouna déchue, larmoyante après avoir atteint son apogée dans son rôle de bienfaitrice nationale. Pour réaliser son rêve, restituer les thermes de Caracalla, à Tipaza, et les acheter en son nom, Beyouna et ses acolytes, notamment Chahrazad alias Nadia Cassi, une chouchoute de Moknache, commet «l'affaire» de trop et se retrouve en prison après avoir tenté de traficoter avec le ministre des Droits de l'homme et de la Solidarité nationale. De la fiction bien entendu, mais sur un fond de réalité bien amer mais assez redondante chez Moknache. Délice Paloma se veut être un leitmotiv - comme cette chanson dans le film - dans les velléités du réalisateur lorsqu'il sonde le côté malfamé des quartiers d'Alger, avec ses truands, ses drogués et ses bars mal fréquentés ou cabarets. Une autre image de l'Algérie qui fait la nique à l'autre face «officielle» de l'Algérie. Encore un film qui dérange. La preuve, le film est interdit de projection en Algérie. Ce qui est encore triste est le fait d'aller ailleurs pour pouvoir «apprécier» un produit d'un «compatriote». Côté film entrant en compétition officielle, on notera le film long et ô combien lourd du Tunisien Khaled Ghorbal. Un si beau voyage qui raconte l'histoire fastidieuse de Momo, un immigré tunisien vivant entre sa chambre, ses pérégrinations dans la ville de Paris et ses rencontres avec ses potes, Karim et Mansour. Gravement malade du foie, il décide d'aller revoir sa famille en Tunisie, après 17 ans d'exil. Mais ce retour ne fait que le conforter dans son isolement, sa différence et sa solitude accrue, laquelle est bien rendue à travers le rythme du film et bande-son, un jazz bien feutré qui n'en finit pas de faire pleurer ses notes bleues. Un film très long (près de deux heures et demie) qui a fait ennuyer plus d'un dans la salle. Parti dans le désert, Momo décide de se donner la mort, en accomplissant son ultime voyage, qui le mènera vers l'au-delà. Son si «beau voyage» peut-être. Dans l'après-midi de dimanche dernier, un autre pays a été honoré. Il s'agit de la Palestine, dans la section «ne pas oublier». A cet effet, un portrait du célèbre poète palestinien décédé cette année, Mahmoud Darwich, a été projeté au théâtre municipal. Réalisé en 1997, ce documentaire intitulé Mahmoud Darwich et la terre comme langue, suit ce grand intellectuel à travers ses différents voyages, que ce soit à Paris, Tunis, ou Amman, où son verbe parle à tous les peuples. Exprimant une blessure collective, le poète trouve une voie entre le particulier palestinien et la souffrance universelle. Ses poèmes rassemblaient une foule considérable à chacun de ses récitals. Mahmoud Darwich évoque ici son exil dans les mots qui sont sa patrie. Une patrie, à la fois de nulle part et là et maintenant en même temps.