Lourde, pesante, délétère, l'atmosphère préélectorale qui règne n'inspire qu'inquiétude. Veille d'élections et aussi journée de protestation, notamment dans les villes et villages de l'intérieur de la wilaya «claquemurés» et bouillonnants. L'attente du scrutin d'aujourd'hui signifie aussi une angoisse indescriptible. Dans la Kabylie fermée et particulièrement paralysée par une grève très largement suivie: de Naciria, dans la wilaya de Boumerdès aux villages et villes de la wilaya de Sétif, le temps semble s'être s'arrêté. La veille, plusieurs bus, venant d'Alger ont été remarqués en Kabylie. Des échauffourées les ont accueillis, à Draâ Ben-Khedda et sur la route menant à Larbaâ Nath-Irathen. Le FFS, quant à lui, parle «d'un stock d'électeurs appelés à séjourner le temps du scrutin en Kabylie, pour monter de toutes pièces, une participation électorale qui ne sera pas le fait de la population locale...». Des citoyens d'Azazga confirment cette appréhension. Selon eux, «des gens rameutés de partout ont vu ces invités...», voter sous l'oeil «attendri» des caméras de l'Entv. C'est d'ailleurs, semble-t-il, ce qui a déclenché les émeutes en cette ville. Au chef-lieu de la wilaya, hier, c'était une journée particulière: hormis quelques pharmacies, des boulangeries et les vendeurs de cigarettes, tout était fermé, jusqu'aux institutions publiques et financières qui ont baissé rideau. Des petites escarmouches ont même été signalées, aussi bien au niveau du jet d'eau, face à l'ancienne mairie, que derrière la cité Les Genêts. C'est en revanche à l'intérieur de la wilaya que des émeutes ont atteint leur paroxysme comme à Azazga, Makouda, Mekla, Maâtkas, Beni Douala et Irdjen qui ont connu des affrontements. Mention particulière pour Makouda où dans la nuit de mardi à mercredi, des CNS laissés sans eau et sans vivres, seraient, selon les témoignages des habitants, sortis dans la rue en tirant. Dans cette daïra, on signale deux blessés par balles en caoutchouc selon les uns, par balles réelles selon d'autres. Toujours est-il que l'un de ces blessés, touché au thorax a été admis au CHU de Tizi Ouzou, le second, blessé à la main, aurait regagné son domicile après les premiers soins. Par ailleurs, des routes et les voies d'accès menant aux villes et villages ont été tout simplement fermés. C'est le cas à Boghni, Beni Yenni, Maâtkas, Aïn El-Hammam, Bouzeguène, Illilten, Ouadhias, etc. Sur la route de Larbaâ Nath-Irathen, 4 bus venus, apparemment d'Alger, sans doute des encadreurs escortés par une dizaine de fourgons de la police, ont été la cible des jeunes. Une émeute, qui a failli dégénérer a été observée en ces lieux. Des riverains affirment que «les civils» des bus ont «mis la main à la pâte» en aidant les policiers face aux émeutiers. A Tizi Ghenif, ce sont des policiers en nombre qui ont quadrillé la ville. Dans cette daïra, les «invités» venus d'ailleurs ont été logés au technicum de la ville. A Yattafen, une petite commune de la daïra de Beni Yenni, la population a incendié le siège de la kasma FLN. Dans cette commune comme à Beni-Yenni, Illilten, Maâtkas et dans d'autres endroits, la police communale a été empêchée de voter. Pour revenir à Azazga où l'émeute fait encore rage, on signale que le logement de fonctions du commissaire de police, en réfection, a été brûlé, hier, alors que sa voiture, une R-19 l'a été dans la journée de mardi. Se sentant agressée par ces «visiteurs» venus d'ailleurs, dans une douzaine de bus: «pour voter» selon quelques sources, «ayant déjà voté, en lieu et place de la population», selon d'autres, la population s'est montrée décidée à empêcher... cette substitution d'électeurs. Enfin, dans une déclaration rendue publique en début de soirée, hier, la Cadc de wilaya, après s'être félicitée de la mobilisation de la population «pour l'empêchement de l'usurpation de la voix populaire», se déclare «déterminée à contrecarrer toute tentative de reconduction du système rentier...», en empêchant «l'organisation du scrutin de la honte». La Cadc s'élève contre «cette logique répressive...», et évoque «l'utilisation de balles réelles par les policiers, les expéditions punitives, les violations de domiciles et plusieurs arrestations...». Elle dénonce de même «l'interdiction faite aux médias étrangers de se rendre en Kabylie». La Cadc n'a pas manqué d'évoquer «les injonctions impératives faites aux subalternes de voter sous peine de se voir licencié...». A noter également, que dans la nuit du 28 mai, 2 bureaux sis à l'ancienne marie de Tizi Ouzou, actuellement siège de la Fédération des fils de chahid, dont le président M.Rabah Benchikhoun, candidat n°2 sur la liste indépendante Assirem ont été incendiés. A été également incendiée et lors de la même nuit, une bonne partie du salon d'honneur de l'APC de Tizi Ouzou. Hier, c'était au tour du mobilier des écoles Dali et Les Genêts de Tizi Ouzou de partir en fumée. Les écoles ciblées étaient des centres de vote. Pour achever de donner un plus à la tension ambiante, des hélicoptères de la gendarmerie n'ont pas arrêté de survoler à basse altitude Azazga et de faire quelques tours au-dessus de Tizi Ouzou. Sur la route menant à Larbaâ Nath-Irathen, au niveau d'Abouda, ce sont 15 bus de la gendarmerie qui ont été bloqués par la population, là aussi les affrontements étaient violents.