Ce n'est pas un fauteuil ergonomique qui attend le président qui sortira des urnes au lendemain de l'élection d'avril prochain. Les défis sont énormes. Notons d'abord ce constat: tous les secteurs étaient à l'arrêt en 1999 et le pays était exsangue. Aussi, quel que soit l'esprit critique avec lequel on aborde l'actuelle situation économique et sociale du pays, il faut se rendre à l'évidence qu'un travail colossal a été entrepris ces dix dernières années. Les projets lancés ont été de nature à booster le pays sur tous les plans et dans tous les secteurs. Mais l'avenir? Le travail à faire, reste titanesque. S'agissant des défis majeurs, l'écueil de la crise financière mondiale qui frappe aux portes du pays, en sera un. L'on se souvient tous de cette phrase qui retentit comme un coup de tonnerre, prononcée par le Président Abdelaziz Bouteflika. «Si le prix du pétrole descend au-dessous des 70 dollars, l'Algérie fera face à une crise imminente.» Aujourd'hui, l'or noir est à 41 dollars et il n'a pas fini de chuter. Le baril a dévissé, pourra-t-on freiner sa dégringolade? Cette chute libre ne sera pas sans conséquences pour l'Algérie qui sera obligée donc de faire des choix pouvant aller jusqu'à l'austérité. Il s'agira de revoir à la baisse les dépenses publiques, par conséquent le train de vie de l'Etat, et réduire les importations dont la facture s'élève actuellement à quelque 27 milliards de dollars. Le défi économique n'est pas le seul qui «guette» la nation. Il y a aussi le volet social avec ses nombreux axes tous sensibles et qui appellent à des solutions urgentes. Aussi, le futur président sera interpellé par cette jeunesse qui constitue les «forces vives» de la nation. Le futur chef de l'Etat sera soumis à ce qui ressemble aux «douze travaux d'Hercule». Le ressentiment et la frustration grandissent d'autant que la relation de confiance entre gouvernants et gouvernés semble ébranlée. Comment donc remédier à cette relation tendue entre les deux parties qui se regardent en chiens de faïence? C'est la règle du «chacun pour soi». Les uns, pour le meilleur, les autres, pour le pire. Le feuilleton des harraga en est un énième épisode qui illustre, de fort belle manière, cette cassure. Des jeunes à la fleur de l'âge, bravent la mort en quête de lendemains meilleurs sur l'autre rive de la Méditerranée. Des milliers de jeunes Algériens chôment actuellement. Par manque de qualification, les différents chantiers font appel à la main-d'oeuvre étrangère. Et si travail il y a, il s'effectue dans des conditions proches de la précarité. Avec un pouvoir d'achat dérisoire, la revalorisation des salaires non encore achevée, il devient impossible aux citoyens de faire face à une flambée des prix sans précédent, comme en témoignent ceux des médicaments ou des fruits et légumes. La situation est paradoxale. Elle l'est d'autant plus que ces souffrances quotidiennes interviennent au moment où les résultats macroéconomiques sont exceptionnels. La dette extérieure est tombée à 3 milliards de dollars et les réserves en devises ont atteint 139 milliards de dollars. Jamais les caisses de l'Etat n'ont été aussi remplies. Il va sans dire que réduire le chômage dont le taux frôle les 12%, selon les chiffres officiels, et créer des emplois dans un contexte de crise économique mondiale, ne sont pas une sinécure pour le futur président. L'actuel chef de l'Etat avait déjà attiré l'attention de ses minis-tres: «Autant j'insiste auprès du gouvernement pour la rationalisation de la dépense publique et la lutte contre le gaspillage des deniers de l'Etat sous toutes les formes.» Et s'il existe un autre problème de taille que le futur locataire d'El Mouradia doit résoudre, c'est bien celui de l'habitat. Le programme du million de logements constitue l'un des plus grands défis qu'aura relevé l'Algérie indépendante. C'est la première fois que notre pays réalise autant de logements. Ce n'est pas pour autant que le problème est définitivement résolu. Le million de logements ne sera, au fait, qu'une rampe de lancement pour la machine du bâtiment en Algérie en pleine expansion. Le million de logements s'avère donc déjà comme insuffisant pour résorber de façon définitive la crise de l'habitat. Celle-ci est telle que des familles de dix, voire quinze mem-bres, sont obligées de s'entasser dans des habitations exiguës. A cela, le futur chef de l'Etat est appelé à trouver la solution «efficace». Comme il est attendu de lui le développement des richesses hors hydrocarbures afin de sortir l'économie algérienne de sa dépendance des exportations d'hydrocarbures. Cette nécessité de mettre fin à la dépendance étrangère concerne également les produits agricoles. L'Algérie regorge de ressources humaines et de richesses. Il suffit d'une politique rationnelle pour redonner espoir aux populations. La liste des défis est longue. L'agriculture qui a périclité depuis 40 ans, sera le fer de lance des réformes. L'expérience d'il y a juste quelques mois nous a montré que les milliards de dollars de réserves de change ne sont pas une garantie pour le pays. Durant l'été dernier, les prix des matières premières ont flambé sur le marché international et des pays avaient même menacé de ne plus exporter car ils devaient transformer leurs produits en biocarburants. Qu'allons-nous faire alors avec nos milliards de dollars si on n'arrive pas à acheter le blé et les autres matières vitales? Du coup, le développement du secteur agricole apparaît dans toute son importance comme secteur stratégique. La seule sécurité pour le pays, demeure la production locale et donc le développement de l'agriculture. Un grand défi pour le futur président. Cela ne veut pas dire qu'il faut laisser en jachère les autres secteurs tout aussi stratégiques. La réforme bancaire qui a fait couler beaucoup d'encre, est aujourd'hui une urgence. Le volet sécuritaire ne sera pas en reste pour le futur locataire d'El Mouradia. Il s'agira pour lui d'extirper radicalement le mal du terrorisme au sein du corps social, maintenant que le gros du travail est fait grace à la Réconciliation nationale. C'est la seule manière qui permettra au pays de sortir du carcan de la violence dans lequel il a été plongé depuis plus d'une décennie. Pour cela, cette mutation doit absolument se concrétiser, à la veille de grands bouleversements (transition économique, ouverture des marchés, négociations pour l'accession de l'Algérie à l'OMC...). A l'ère de l'ouverture économique et du libre-échange, le challenge pour l'allègement des conditions d'investissement est également de taille. Sur un autre plan, l'Algérie ambitionne de rattraper son retard en investissant massivement dans les technologies de l'information et de la communication, et les moyens de paiement électronique. Un autre challenge pour le futur président de la République. Avec un taux d'avancement des travaux appréciable, le mégaprojet de l'autoroute Est-Ouest sera également un autre pilier sur lequel doit se baser le programme du futur chef de l'Etat. Un challenge en appelle un autre. Le futur président de la République doit être bien armé pour redonner un nouveau souffle à l'économie nationale.