La tenue des élections a été l'occasion saisie pour affirmer qu'il faut encore compter avec eux. Le carnage perpétré à Sendjas, dans la wilaya de Chlef, s'ajoute à celui qui, la veille, à Jijel, avait touché un chef de la garde communale et son chauffeur. Le même jour, à Batna, une attaque terroriste a été repoussée par des éléments de la Bmpj. Si dans la capitale et les grandes agglomérations urbaines, le vote a été un simple geste civique à accomplir, dans les villages et hameaux isolés, il faut peut-être parler de bravoure et de courage. A Baraki, Bentalha, Raïs, El-Affroun, Attatba, Boumadfaâ, Karimia et les ex-sanctuaires des groupes armés, les citoyens ont, certes, voté, mais le coeur n'y était pas. Ni avant, ni après, ni pendant. De Khemis Miliana à Chlef, c'est-à-dire sur un axe d'une centaine de kilomètres, sur le passage de Oued Djemaâ, Khemis Miliana, Aïn Defla, Rouina, Oued Fodda et Karimia, on avait l'impression de vivre un boycott à l'Ouest en «modèle réduit». Epiceries, vitrines et rideaux baissés, ces villes-crises étaient fermées aux effusions de joie, ou même aux comportements ordinaires. On sentait la lourdeur, la pesanteur du climat et l'anxiété des lieux. L'appréhension des votants était affichée, et il nous a fallu aller voir les bureaux de vote pour constater qu'il y avait effectivement vote. Très timide, certes... Les quadrillages des villes et des villages, par tous les corps de sécurité, ont affaibli la faculté de sévir des groupes armés. On a pu constater que tous les services de sécurité, aussi bien la police, la gendarmerie, la garde communale, que l'armée, ont élaboré et mis en place, depuis plusieurs jours, une stratégie de maillage telle qu'il aurait été difficile de faire plus. S'agissant du carnage de Sendjas, un responsable militaire a tenu à affirmer que «le problème des nomades se pose réellement, car ils sont devenus une cible facile pour les groupes terroristes armés». Il explique: les nomades traversent de longs parcours et de vastes terres non sécurisées à la recherche des meilleurs pâturages, sans prendre la précaution de demander l'avis des autorités locales quant à la sécurité de leur région de transhumance. Poussant devant eux des milliers de têtes de bétail, ils attirent la convoitise des terroristes, car souvent ces nomades sont armés de fusils de chasse et possèdent or (pour les femmes) et argent liquide (pour les hommes). «Les familles décimées à Sendjas, ajoute notre source, sont arrivées mardi, sans qu'on le sache, et ont été tuées le lendemain. Elles étaient venues de Sidi Touil, près de Boukadir, où elles jouissaient de la protection exigée.»