Desserrer l'étau et affaiblir les forces armées sont les buts visés par cette nouvelle stratégie. Le spectaculaire attentat commis par le Gspc, avant-hier, au lieu dit Hadjar Mefrouche, à Skikda (neuf personnes égorgées et cinq autres enlevées), répond presque en écho au carnage commis, à Chlef, il y a cinq jours, par une faction du GIA. Selon les premières informations, les hommes de Hassan Hattab ont agi en parfaite connaissance du terrain et des hommes. Tous ceux qui ont été assassinés ou kidnappés avaient été ciblés et leurs noms consignés sur une liste. Cet attentat terroriste, qui se veut aussi médiatique et stratégique, lance plusieurs messages à la fois. Premièrement, il est perpétré à quatre jours de l'ouverture du Colloque international d'Alger sur le terrorisme, rencontre éminemment importante pour les autorités algériennes, et qui peut lui apporter une caution définitive dans sa «guerre globale» contre les groupes islamiques armés, dans lesquels des organismes politiques et humanitaires européens continuent à voir des opposants armés. Le «bourbier kabyle» étant devenu quasi intenable pour les hommes armés de Hattab, le massacre de Skidka, perpétré en plein jour, apparaît comme une opération calculée pour parvenir à plusieurs résultats. Le premier est celui de desserrer l'étau qui se resserre autour des contingents disséminés dans les maquis de Takhoukht, Sidi Ali Bounab, Mizrana, Boghni, Draâ El-Mizan, Draâ Ben Khedda et Haïzer, anciens sanctuaires terroristes et que les militaires sont en train de grignoter peu à peu. L'élimination de ces réseaux algérois (3 membres tués à Blida et trois autres à Alger), va certainement pousser Hattab à une autre réorganisation des cellules du centre, zone très privilégiée par tous les groupes armés du pays. Le second serait, au vu de l'importance du groupe qui a mené l'opération de Skikda, d'exporter la guerre en dehors de la Kabylie, afin, d'un côté, de réorganiser les effectifs et les missions dévolues aux katibate, et d'un autre côté, affaiblir la pression soutenue de l'armée sur les fiefs kabyles. Cette double stratégie s'est déjà confirmée avec la transhumance des groupes de Béjaïa et Bouira vers les Hauts-Plateaux de M'sila, Ksar El-Boukhari et Sour El-Ghozlane, dans le Sud, et vers Batna, Tébessa, Jijel et Skidka vers l'Est. Hassan Hattab avait, dès l'annonce de la création de son organisation terroriste, le Gspc, vers la fin de l'année 1998, arrêté une stratégie des plus complexes et des plus «performantes»: la vie en symbiose avec les populations autochtones, les assassinats ciblés (militaires, gendarmes, GLD, gardes communaux et policiers) et le racket systématique en vue de s'autofinancer, plus tard, par le biais d'opérations d'investissements dans l'immobilier, le transport et l'agriculture (dans les wilayas de Tébessa, Boumerdès et Batna notamment). Mais il serait encore naïf de croire que les hommes de Hattab se passeront des fiefs kabyles. Profitant des troubles politiques qui affectent la région depuis près de deux ans, recrutant ses lieutenants parmi les jeunes desperados locaux, tentés par la radicalisation et l'aventure, trouvant très largement son compte dans la neutralisation des services de sécurité locaux (délocalisation de la gendarmerie nationale et affectation du gros des troupes de la police à la surveillance des édifices publics et à la répression des émeutes), Hassan Hattab a trouvé une région à sa mesure. Les ratissages répétitifs et soutenus de l'armée ont serré l'étau sur ses hommes jusqu'à l'étouffement. En portant des coups spectaculaires calculés dans des villes limitrophes de la Kabylie ou de l'Est, l'émir du Gspc compte choisir lui-même les champs de bataille et gagner les autochtones à sa cause, et ce, tout en affirmant sa présence hégémonique sur les autres groupes armés en Kabylie et à l'Est. C'est la stratégie de guerre de cet émule de Ben Laden.