Bouteflika semble désormais avoir les coudées franches pour mener à bien son train de réformes. La victoire éclatante du FLN lors de ces législatives n'en finira sans doute pas de faire couler force encre et salive. Déjà, elle place le Président de la République face à de nombreux choix quant à la composition de la future équipe gouvernementale. Le Président, ne l'oublions pas, a géré les affaires, trois années durant, avec une Assemblée ne répondant pas à ses visées politiques. Avec un Parlement où le RND était très fortement représenté, et sans qu'il y paraisse, le Président devait bien souvent être gêné dans ses actes. Sans doute, est-ce pour cela qu'il a procédé à de nombreuses nominations à des postes clés de gens issus de sa formation politique originelle, le FLN. Le vote de jeudi, en somme, n'a fait que formaliser une situation existant de facto. La campagne qu'a menée Ouyahia montre à quel point le fossé a fini par se creuser entre ce parti et la plus haute instance du pays. A présent, le Président Bouteflika a devant lui trois options, tout aussi «intéressantes» les unes que les autres. Le FLN, désormais, est majoritaire au sein de la Chambre basse du Parlement algérien avec 51,15% des sièges. Il n'a donc besoin de l'aide d'aucune autre formation politique, ni courant de pensée, pour gérer les affaires de la cité. Cette éventualité aurait pour grand avantage de donner les coudées franches au Président et à «son» parti qui n'a que trop perdu de temps alors qu'il doit impérativement présenter un bilan «convenable» à moins de deux années de la prochaine présidentielle. L'inconvénient de cette option, en revanche, serait que la classe politique entière passerait dans l'opposition ce qui augmenterait sensiblement le nombre de voix et de médias déstabilisant le Président et son Exécutif. Un second scénario consisterait à opter pour une coalition nationaliste, c'est-à-dire, dans laquelle ne seraient présents que le FLN, le RND et, accessoirement, le PRA, ce qui garantirait au Président 63,75% de l'APN. Le RND ne devrait pas trouver trop de mal à s'y adapter, et même à apporter une sérieuse contribution au Président Bouteflika avec ses nombreux cadres compétents et expérimentés. L'inconvénient de ce choix a trait à la présence de tous les islamistes hors du pouvoir. Cette mouvance devient trop vite incontrôlable dans des conditions pareilles. C'est pourquoi un troisième scénario, celui d'une coalition gouvernementale aussi large que possible, est aussi à envisager. Un scénario qui répond parfaitement au profil de Abdelaziz Bouteflika qui, une première fois déjà, avait cherché à s'allier le maximum de personnes, au point que même le RCD et l'ANR ont fini par rejoindre son équipe gouvernementale. S'agissant de la mouvance islamiste, donc, tout porte à croire que le MSP, comme à ses habitudes, finira par se calmer après une semaine ou deux de «gueulante» de circonstance et par prendre sa place au gouvernement. Ennahda, fini politiquement, serait, lui, remplacé par le mouvement El-Islah de Djaballah. Ce dernier, lors de sa campagne électorale, avait souvent affirmé être prêt à entrer au gouvernement. Son amère expérience avec Ennahda et Adami lui a appris qu'il n'est jamais très prudent, par les temps qui courent, de faire dans la politique de la chaise vide quand toute la politique des islamistes, depuis plus d'une dizaine d'années, consiste à pratiquer la politique de l'entrisme. Cette entrée, en outre, devrait permettre au Président Bouteflika de se rapprocher plus encore de sa fameuse «concorde nationale» puisqu'il n'échappe à personne qu'une partie de l'électorat de l'ex-FIS a trouvé refuge sous la bannière du cheikh Djaballah. Le Président, qui ne devrait pas mettre longtemps pour nommer son nouveau gouvernement, après la proclamation officielle des résultats du scrutin, n'a donc pas beaucoup de temps pour se décider. Le temps presse...