La réunion de l´Opep qui se tient aujourd'hui à Oran est une bataille gagnée avant d´être engagée, le succès anticipé de cette réunion trouve son expression dans le timing. C'est-à-dire que cette rencontre se déroule à un moment où il y a eu un retournement à la hausse de la tendance puisque, du 8 décembre au 12 décembre, le prix du Brent a progressé de 22%. Dans ce contexte, signalons que du vendredi 11 juillet 2008 jusqu'à vendredi 5 décembre 2008, le prix du baril se trouvait dans un mouvement directionnel baissier. Tout ce qui va être dit et décidé lors de cette réunion est déjà intégré dans le cours actuel du prix du pétrole. Cependant, si les membres de l´Opep optent pour des options radicales telle une grande et surprenante réduction de la production, l´effet de surprise pourra créer une sur-réaction sur le marché pétrolier, entraînant ainsi une envolée des prix, mais ce scénario me paraît improbable. Le coup de bluff des «experts» du marché Les réunions de l´Opep et la psychologie du marché pétrolier: le manque de cohésion, les intérêts économiques divergents des pays membres de cette organisation, les pressions politiques occidentales, ont fait que la politique de l´Opep ne va pas de pair avec la psychologie du marché pétrolier. Mes arguments je les présente sous forme de questions 1- Pourquoi les responsables de l´Opep ne respectent pas ou ne donnent pas l´impression de respecter les tendances des prix du baril? exemple: M.Chakib Khelil donne une prévision sur le prix du baril mais le lendemain un ministre du Pétrole d´un pays du Golfe donne une prévision contradictoire. Si la tendance est a la baisse, les déclarations de ces deux ministres feront accentuer la chute du prix, mais si la tendance est à la hausse dans ce cas, l´incertitude fera progresser les cours du brut. 2- Pourquoi les dirigeants de l´Opep ne prennent pas en considération un élément très important qui est l´anticipation des acteurs du marché pétrolier? Ce sont bel et bien ces acteurs qui fixent le prix du pétrole à travers leurs anticipations. A titre d´exemple, au mois de septembre 2008 le ratio Call/Put du marché des options du pétrole était de 0,1(du jamais-vu) au même moment, le ministre iranien du Pétrole et son homologue vénézuélien anticipaient un prix de 100$ le baril, de telles déclarations affectent la crédibilité de l´Opep. 3- Utiliser les armes de l´adversaire: lorsque le prix du baril suit un mouvement directionnel avec une tendance bien définie soit à la hausse ou à la baisse, la plupart des acteurs du marché pétrolier utilisent l´analyse technique comme une philosophie et un instrument d´investissement et de spéculation. Alors, dans ces conditions, je me demande pourquoi les responsables de l´Opep n´utilisent pas le timing des indicateurs techniques pour faire leurs anticipations et leurs analyses sur le prix du pétrole. 4- Pourquoi se concentrer uniquement sur les fondamentaux? En 1936, le célèbre économiste britannique, John Maynard Keynes, expliquait à ses étudiants, à l'université de Cambridge, en ces termes: «Lorsque les marchés financiers traversent une voie irrationnelle, l´analyse fondamentale n´est d´aucune utilité.» A travers l´évolution du prix du baril durant l´année 2008, les paroles de Keynes trouvent leur validité. Le 4 février 2008, le prix du Crude oil était à 92$, le 11 juillet il était coté á 147,37$ et le 5 décembre il valait 40,12$, pendant ce temps (4 février - 5 décembre) la demande mondiale du pétrole n´a pas baissé, alors où sont passés les fondamentaux? Les analyses de 1936 toujours valables Merril Lynch part en shopping de Nöel: les experts de la grande et prestigieuse banque d´affaires américaine Merril Lynch avaient fait une analyse dans laquelle ils ont prévu un prix de baril de 25$ pour l´année 2009. Que pense le lecteur algérien d´une telle analyse? sachant que de nombreux ministres et économistes algériens considèrent la parole d´un expert étranger comme une parole divine. Eh bien! je peux vous affirmer que nous avons toutes les raisons du monde pour douter de l´analyse faite par les experts de la Merril Lynch et voici quelques arguments: Le 22 mai, Merril Lynch en compagnie d´autres banques d´affaires, la Goldman Sach, la Morgan Stanley et la défunte Lehman Brothers avaient revu à la hausse le prix du baril avec une prévision en moyenne de 180$ pour 2009. Le vendredi 5 décembre, le jour même oú Merril Lynch donnait sa prévision de 25 $, le prix du baril a signalé un creux qui sera probablement historique et l´ironie du sort a voulu qu'après cette date du 5 décembre, le prix repart à la hausse, alors pourquoi ce paradoxe? La réponse est simple: c'est que les acteurs du marché pétrolier connaissent bien le «coup de bluff» de Merril Lynch. Ils considèrent la révision á la baisse de Merril Lynch comme un signal d´achat et non pas un signal de vente et c´est la raison pour laquelle le prix du Brent a progressé de 22% en une semaine. La tactique de Merril est facile á comprendre, le 22 mai 2008 cette banque était lourdement exposée sur le marché pétrolier et pour liquider ses positions et sortir de ce marché avec une plus-value, la banque s´est lancée dans une campagne de publicité pour le prix du baril, (une révision à la hausse avec un baril de 180$ pour 2009) et le 5 décembre voyant l´approche du mois de janvier 2009, un mois où les banques d´affaires ont l´habitude de reconstituer leurs portefeuilles en actifs financiers et matières premières, Merril Lynch lance une campagne de noircissement sur le prix du baril afin d'acheter le pétrole le moins cher que possible et on peut qualifier cela comme le shopping de Noël. Un prix du baril ridiculeusement bas: le 5 décembre 2008 le contrat à terme du Crude oil de janvier 2009 valait 40,12$ et celui de janvier 2013 était coté á 74,56$. Ce grand écart de 34$ montre manifestement que le contrat de janvier 2009 était ridiculeusement bas (dans un marché stable cet écart ne devait pas dépasser les 4 dollars). La tendance actuelle est à la hausse, sur le court terme le prix du Brent ainsi que le prix du Crude oil pourront facilement atteindre les 60$, quant au moyen terme, je me réfère à la prévision que j´avais donnée le 29 octobre dans ce journal et qui était de 80$ - 90$ le baril. (*) Analyste boursier à la banque suédoise Mats Och Qvibergb