Les festivaliers ont eu droit, mercredi et jeudi derniers, à un florilège de films courts assez intéressants.. Le Festival du court métrage, dont la compétition officielle s'est ouverte cette année à l'international, continue à offrir aux gens du Sud encore de la magie et du rêve via des films courts mais à la lourde et «profonde» charge émotionnelle et artistique. Certains films se distinguent du lot, bien entendu par la qualité de leur technicité et surtout du sujet judicieusement traité. Alors que la chaleur légendaire du désert reprend droit de cité, les spectateurs de la kheïma continuent d'affluer. Le public s'agrandit et les gens de Taghit retrouvent timidement, mais sûrement la voie vers cette kheïma-ciné. L'image la plus forte qu'on a eu à voir est la présence des enfants lors des projections de films entrant dans le cadre du panorama. Un spécial films d'animation algériens, en particulier, lesquels concourent pour la Caméra d'Or. Mercredi matin, la kheïma a abrité un «cours» sur le «cadre» cinématographique. Il a été donné par l'auteur du film marocain En attendant Pasolini de Dadoud Ould Sayad. Un cours instructif pour beaucoup de jeunes cinéastes qui apprennent à sonder l'univers du 7e art, à tâtons et cherchent à s'améliorer dans ce domaine. L'après-midi a fait place à 6 autres courts métrages. On citera en préambule Goulili de l'Algérienne Sabrina Draoui. Un court métrage fait avec seulement 130 euros. Une gageure pour cette jeune femme qui vient de pénétrer dans les arcanes du cinéma après avoir été une excellente photographe. Ce court métrage dédié à la femme musulmane et maghrébine traite, avec audace et clarté, du problème de la place de la femme musulmane pratiquante face à ses démons et ses envies d'émancipation. Deux amies dialoguent à propos de leurs visions de la vie, de l'amour et du sexe. Elles sont différentes et pourtant indissociables. Sabrina Draoui se dit être dans ce questionnement qui se veut un «témoignage», mais dans l'incapacité de trouver une réponse. Dans ce registre, ce film nous fait découvrir le monde de la femme avec subtilité et courage même si la réalisatrice avoue avoir eu recours, un peu, à la censure pour ne pas choquer les âmes sensibles. Un sujet existentialiste qui nous rappellera celui de la Marocaine Rita El Kessar qui revient? cette année, avec un nouveau court métrage intitulé tout simplement L'Autre. Dans un décor aux angles épurés, une femme-enfant se bat contre elle-même pour exister. Enfermée dans sa solitude, elle attend le retour hypothétique de son mari. Une illusion entretenue sordidement pour faire son deuil...Rita nous plonge ainsi dans la tourmente de cette personne qui n'a de raison d'être que grâce à la présence de l'autre. Le silence ravageur renvoie à la déliquescence du monde intérieur par opposition au monde physique extérieur. Un film plutôt psychologique fait de minimalisme par cette jeune femme qui se revendique «perfectionniste». Inquiétant est Illusion de Burhan Qurbani, qui décrit la vie de Léna, une agente de sécurité dans le métro qui, une fois sans boulot, perd le contrôle d'elle-même et ne sait quoi faire de sa vie. Please leave a message de l'Italienne Elisa Fuksas est une peinture de Akiko, une jeune Japonaise en visite à Rome. Un nouvel espace qui va lui inspirer un nouveau monde personnel, celui de son pays. Un clin d'oeil à la geisha est fait ici. Un autre court métrage qui explore toujours notre «moi profond» est Hous omk (Son des profondeurs) de l'Egyptien Osama El Abed. Un film qui nous montre la descente aux enfers d'un jeune peintre, suite à une mauvaise critique de ses peintures. Avec Yousra Ellouzi, ce film nous démontre, si besoin est, le pouvoir de la presse sur le moral d'un artiste. L'angoisse est effectivement palpable. De son côté, la Syrie a été présente avec deux courts métrages. Le premier intitulé Histoire de tous les jours de Nidhal Hassen, nous entraîne dans une histoire floue sur le retour d'un fantôme de femme qui rode dans un étage au-dessus d'un immeuble et qu'un jeune homme voit constamment dans ses rêves, Aux frontières entre le réalisateur et la réalité, ce jeune homme discute avec le mari de cette femme qui jadis s'étant donné la mort. Ce film a fait appel à des comédiens professionnels. Dans Adieu, le réalisateur endosse la casquette du comédien, en jouant un mordu de cinéma, qui pendant les années 70 aimait aller au cinéma avec son ami pour voir des films de Bergman et Antonioni. Un bel hommage que celui-ci pour deux grands monstres du cinéma, disparus l'an dernier. Le film du Tunisien Achraf Laâmer, Nuit d'Aïd fait confronter la lâcheté des vivants à la fatalité de la mort, entre légèreté et gravité. Alors qu'un vieux refuse de suivre l'ange de la mort dans l'au-delà, ce dernier est pressé d'aller en Irak, accueillir l'âme d'une personne en cette nuit bénie de l'Aïd. Il s'agit de la nuit d'exécution du président irakien Saddam Hussein. Achraf Laâmer qui se dit profondément attaché à la religion, fait ici un parallèle édifiant sur ce scandale qui ébranla les sociétés musulmanes et arabes. Une mise en scène attrayante qui laissera comme un goût amer vers la fin. Le désenchantement est au rendez-vous dans le nouveau court métrage du réalisateur algérien Mounès Khemmar. Comme une abeille raconte, en allégorie esthétique, la quête désespérée des pays sous-développés pour avoir leur pitance. Comme cette abeille qui cherche sa nourriture et tourne inlassablement à l'intérieur de cette maison aux fenêtres fermées. Un horizon bouché pour des milliers de gens. Alors que les grands pays, a fortiori l'Amérique, avaient décidé de mettre fin à la famine dans le monde, d'ici à 2015, celle-ci est provoquée par cette même puissance américaine qui engendre famine sur famine et crise économique à coups de guerre mais aussi de réajustements grâce à ces guerres, comme l'a fait le président Roosevelt en 1930, après la crise mondiale de 1929. Ceci est illustré et accompagné de bandes sons de news qui font état de ce sujet. Un joli parallèle décliné sous forme hilarante reproduisant exactement l'attitude et le son d'une abeille qui va vers sa perte. Engagé et humain, ce court métrage de Mounès Khemmar se veut une revendication pour plus d'équité au niveau de la distribution des richesses dans le monde. Difficile de parler de tous les films, il est fait état ici d'un échantillonnage sélectionné selon le feeling. Le dernier qu'on citera sera notre coup de coeur du festival. Il s'agit de La vue des Jordaniens Hazim Bettar et Rifqui Assaf. Réalisé sur caméra fixe, cet émouvant court métrage explore la psychologie de la violence quand un sniper israélien épie un couple palestinien avec un zoom précédant le geste fatidique. Ayant reçu plusieurs prix dont un cette année, au Festival international du film de Dubaï, La vue nous fait entendre le dialogue décalé de ce sniper avec son camarade. On parle de vie, de tolérance...il est question ici de scrupule pour dire l'humanité peut-être de ces jeunes soldats qui ne sont là que pour exécuter les ordres de leurs supérieurs..