La junte militaire a levé dimanche l'assignation à résidence frappant l'ancien président mauritanien Sidi Mohamed Ould Cheikh Abdallahi, renversé par l'armée le 6 août, déclare un responsable politique proche d'Abdallahi. Cette mesure, qui n'a fait l'objet, pour le moment, d'aucun commentaire du Haut Conseil d'Etat (HCE, junte militaire), avait été promise par les militaires lors de négociations destinées à éviter des sanctions de l'Union européenne. Dimanche, le calme prévalait dans les rues de la capitale où on ne signalait aucune manifestation pour ou contre le chef de l'Etat déchu. Avant même d'être libéré, l'intéressé, premier président mauritanien démocratiquement élu depuis l'indépendance en 1960, a fait savoir qu'il n'accepterait pas le fait accompli et qu'il exigeait d'être réintégré à son poste. La junte refuse de se plier à cette autre exigence de l'UE, des Etats-Unis et d'autres grands pays bailleurs de fonds de ce pays de trois millions d'habitants. L'ex-président était privé de liberté depuis le putsch du 6 août conduit par le général Mohamed Ould Abdel Aziz. Il a été conduit par des hommes des services de sécurité de son village natal de Lemden, où il était placé en résidence surveillée depuis la mi-novembre, à son domicile de Nouakchott, où on l'a informé qu'il était libre, a précisé le responsable joint par Reuters, Moulay Eli Ould Ahmed. Le président déchu a aussitôt décidé de repartir avec des amis pour Lemden, qui est situé à 200 kilomètres au sud de la capitale, a déclaré Cheikh Ibrahim Ould Bah, membre du Front national pour la défense de la démocratie (FNDD, parti favorable à Abdallahi). Dans un entretien publié par Le Monde dans son édition du week-end, Abdallahi déclare qu'il compte "se comporter comme un président légitime (...) qui n'a pas les moyens d'exercer ses fonctions". "J'userai de ma liberté jusqu'aux limites qu'y mettront les putschistes", dit-il en prévision de la levée attendue de son assignation à résidence. Il n'exclut pas de se rendre fin janvier à un sommet de l'Union africaine à Addis-Abeba. Alors que ses partisans se sont réjouis de la nouvelle, la fille de "Sidi", Amal Mint Cheikh Abdallahi a estimé que cette mesure ne constituait pas "(...) une véritable libération". "Cela va être plus compliqué. Les militaires vont chercher à savoir en permanence où il se trouve, avec qui il est, ce qu'il dit (...). Je doute qu'on le laisse sortir du territoire, par exemple s'il est invité à un sommet de chefs d'Etat", a-t-elle confié à Reuters. "Le combat aujourd'hui (...) n'est pas de savoir si Abdallahi est détenu ou libéré (...) mais son retour sur le fauteuil présidentiel", a estimé Jemil Ould Mansour, dirigeant islamiste et membre du FNDD. Le président déchu prédit que le général Abdel Aziz, son ancien chef d'état-major particulier qu'il avait limogé la veille du putsch, "démissionnera de ses fonctions deux mois avant la date des élections qu'il aura lui-même fixées", car la Constitution interdit à un militaire de se présenter. "Il ira ensuite à la présidentielle avec une administration qu'il aura mise en place, et une quasi-certitude de gagner", ajoute Abdallahi qui se dit "fermement décidé à lutter pour faire échouer ce coup d'Etat". Le général Abdel Aziz s'était engagé à faire libérer Abdallahi avant Noël auprès des représentants d'une mission de l'UE, de l'Union africaine, de la Ligue arabe et d'autres organisations internationales envoyée les 6 et 7 décembre en Mauritanie. Le 21 novembre, l'UE avait brandi la menace de sanctions individuelles contre des membres de la junte militaire si un gouvernement démocratique n'est pas rétabli à Nouakchott. A Paris, la présidence française de l'UE a salué, dans un communiqué, la remise en liberté "(...) du chef de l'Etat mauritanien démocratiquement élu (...) et rappelé que "(...) la solution à la crise actuelle passe par un retour à la crise constitutionnelle".