Les nouveaux maîtres de Nouakchott restent sourds aux injonctions de la communauté internationale, à commencer par l'Union africaine. Une délégation de la junte mauritanienne à Addis Abeba a dit non au président de la Commission africaine, Jean Ping, tout en refusant de fournir des explications sur les raisons du refus de la junte de rétablir dans ses fonctions le président Sidi Ould Cheikh Abdallahi, renversé le 6 août dernier. La rencontre aurait été houleuse et est intervenue au lendemain de l'expiration de l'ultimatum posé par l'UA à la junte. Piégée dans cette affaire, l'UA n'a pas pu faire plus que reconduire son exigence d'un retour à l'ordre constitutionnel en Mauritanie, même avec des aménagements pour sa mise en œuvre. La délégation mauritanienne conduite par le ministre de la Justice de la junte, Bal Ahmedou Tidane, a été ferme : pas de retour en arrière et pas de libération du président déchu, quand bien même le pays encourt des sanctions et l'isolement diplomatique. L'UA ira-t-elle jusqu'à faire chasser les putschistes comme elle l'avait fait pour les Comores. Il y a quelques mois, l'UA a décrété le coup d'Etat à Anjouan (Comores) illégitime et a même procédé à l'éviction du président autoproclamé, Mohamed Bacar, par une force militaire panafricaine. Une perspective peu envisageable pour la Mauritanie, de source diplomatique, l'UA est plutôt favorable à la poursuite du dialogue, même s'il est pour l'heure sourd, avec la junte, dans l'espoir d'aboutir à une sortie de crise légale. Pourtant, le 6 août, un coup d'Etat a déposé, sans effusion de sang, le président Sidi Ould Cheikh Abdallahi, un civil, le premier président de la Mauritanie arrivé au pouvoir par les urnes. Pour le remplacer, un Haut Conseil d'Etat (HCE) de 12 officiers dirigé par le chef d'état-major particulier de l'ex-président, le général Mohamed Ould Abdel Aziz. D'ailleurs, depuis Addis Abeba, l'UA ne devait que réitérer sa position, demandant le rétablissement du président renversé. Selon un communiqué de l'organisation continentale, “eu égard à l'absence d'avancée dans la restauration de l'ordre constitutionnel (...), le président de la Commission soumettra, en temps opportun, des propositions concrètes sur la marche à suivre”. L'UA avait exigé le 22 septembre le rétablissement du président Sidi Ould Cheikh Abdallahi dans ses fonctions le 6 octobre au plus tard, évoquant des risques de sanctions et d'isolement pour les putschistes s'ils ne satisfaisaient pas à cette exigence. En réalité, la junte joue sur du velours. Le coup d'Etat n'a pas bouleversé le pays qui offre son visage habituel : pas de couvre-feu, ni de censure pour la presse, monnaie stable et les institutions de la “République islamique de Mauritanie” sont toujours en place. Les opposants au putsch peinent, d'autre part, à mobiliser. Ce ne sont à chaque fois que de petits groupes de jeunes pour défier la police qui ne leur fait pas de cadeaux. Les manifestations sont vite dispersées. La foule à Nouakchott, quant à elle, reste toujours une foule de passants, au mieux de spectateurs. Les pro-putsch n'arrêtent pas de propager la gestion chaotique de la démocratie made in Mauritanie et surtout le bras de fer avec les parlementaires qui, apparemment, a précipité la chute du chef de l'Etat. “Il se comportait de façon irresponsable, plaide le général Mohamed Ould Abdel Aziz, soulignant qu'il fallait sauver le pays”. “Sauver le pays”, c'est la deuxième fois que le général s'attribue cette mission. En 2005, il avait déjà évincé un autre militaire, un autocrate usé par vingt ans d'un pouvoir sans partage. Le coup d'Etat contre un président vraiment élu a été accepté par la majorité des Mauritaniens et avec ce soutien, la communauté internationale ne peut rien même si la France, l'ancienne puissance coloniale, a pris la tête du mouvement qui réclame le retour à la légalité constitutionnelle. D. Bouatta