La même responsable dévoile que les cartes des passages souterrains d'Alger «sont en Algérie» ou «sont perdues». Qui dit la vérité? La France et l'Algérie se refilent la patate chaude sur la question des archives de la période coloniale. Alger réclame. Paris répond: toutes les archives sont ouvertes à la consultation. Pour les Français, les archives concernant l'Algérie sont consultables à environ plus de 90%. Mieux, l'Hexagone, par le biais de Mme Martine de Boisdeffre, directrice des Archives de France, déclare que l'Algérie n'a pas demandé la restitution d'archives précises. «Il n'y a pas eu de demande de la part de l'Algérie sur une demande d'archives précises», a-t-elle dit, lors d'une rencontre avec L'Expression, à la direction générale des archives de France, sise rue des Francs-Bourgeois à Paris. Confiante, la même responsable réaffirme que l'Algérie n'a pas formulé son souhait de récupérer une partie d'archives bien «précise». La directrice des Archives de France rappelle que la seule fois où son département a reçu une «demande précise», c'était lors du séisme de 2003. Lors de cet événement tragique qui a frappé les wilayas d'Alger et de Boumerdès, les autorités algériennes avaient réclamé, auprès de la France, les cartes des passages souterrains de la capitale. «Lors du séisme de 2003, l'Algérie a demandé les cartes du réseau d'assainissement au niveau de la capitale.» Voulant vérifier une fois de plus ses propos, Martine de Boisdeffre a pris attache, sur place, avec Martine Cornède, directrice des Archives nationales d'Aix-en-Provence. Au téléphone, haut-parleur branché, celle-ci a appuyé les propos de Mme De Boisdeffre. «Non, il n'y a jamais eu de demande de la part de l'Algérie sur des archives précises», a-t-elle indiqué dans une courte intervention. Interpellée à propos des cartes des passages souterrains, la même interlocutrice répond avec certitude: «Nous ne les (cartes, Ndlr) avons pas. C'était la même réponse que nous avons donnée à Alger». Où sont-elles donc? «Je ne sais pas», a-t-elle rétorqué encore. Et d'enchaîner: «Ces cartes sont restées à Alger. Elles sont à Alger ou elles ont été perdues. Je n'en sais rien.» Du côté d'Alger, on n'entend pas le même son de cloche. Ces cartes, l'Algérie continue de les réclamer. Cela fut le cas en 2003. D'après les responsables algériens, la France détient toujours les archives du pays. D'ailleurs, des voix ne cessent de s'élever pour revendiquer la restitution des Archives nationales. Hommes politiques, personnalités historiques, et présidents d'association demandent haut et fort l'accès aux archives. Ils veulent «décrypter la mémoire» de la nation. Ils expliquent ce refus de la France de remettre des archives, par la volonté de son Administration de ne pas permettre aux Algériens d'accéder à leur passé. Saïd Abadou, le secrétaire général de l'Organisation nationale des moudjahidine (ONM), ne cesse de réclamer de la France «la restitution des archives réelles, celles qui ont été emportées et qui montrent les exactions commises en Algérie». Même revendication de l'Office national des archives algériennes. Abdelhamid Mehri, personnalité historique, insiste, lors de ses différentes sorties médiatiques, pour que l'on ne cesse de réclamer la restitution des archives. A cette polémique s'ajoutent les dispositions de la nouvelle loi votée par l'Assemblé nationale française définissant le temps imparti pour la consultation des archives dans le domaine public à 100 ans. Ainsi, l'Algérie ne pourra pas, donc, avant cette date, connaître les détails des crimes commis par la France en Algérie. En outre, le gouvernement français a adopté, récemment, un projet de loi relatif aux archives, qui stipule de retirer certaines archives de la consultation publique pour au moins cinquante ans. Il avance comme argument le but de protéger le droit à l'intimité de la personne. Ce projet de loi stipule que les documents susceptibles de «porter atteinte à la vie privée» ne peuvent être consultés durant une période inférieure à 50 ans. Une loi qui a suscité le mécontentement des historiens, aussi bien français qu'algériens. Ils estiment d'ailleurs qu' une telle loi limite l'accès à la plupart des documents administratifs, comme ceux des préfectures ou les rapports de police. A souligner que la remise des cartes des champs de mines installés par la France en Algérie n'a pas réduit cette polémique. Au contraire, ce «geste» de la part de la France a été qualifié par Alger «d'une remise tardive». La première critique émane du ministre des Moudjahidine, Mohamed Chérif Abbas. Ce dernier a minimisé l'importance des plans de mines remis par le chef d'état-major français, Jean-Louis Georgelin, au chef d'état-major algérien, Ahmed Gaïd Salah. Abdelmadjid Chikhi, directeur des Archives nationales, a eu la même réaction, estimant que cette remise «est venue en retard et ne sera d'aucune utilité sur le terrain». Loin de la polémique, des critiques et des accusations des uns et des autres, la vérité sur la question de la mémoire finira un jour par éclater. Quand? le temps seul le dira.