Incapable de former un gouvernement depuis plus d'une année, la Belgique sombre dans une nouvelle crise politique. La situation ne semble pas prête de s'arranger en Belgique. En pleine crise économique, le pays se dirige vers une vacance du pouvoir plus longue que prévue, après la démission du gouvernement d'Yves Leterme, aucun nouveau Premier ministre n'ayant pu être désigné lundi 22 décembre, faute de candidat faisant consensus. Le roi des Belges, Albert II, à qui revient la décision finale, s'est contenté d'accepter le départ du leader des chrétiens-démocrates flamands, victime de l'affaire Fortis, sans annoncer le nom d'un successeur. Le souverain a seulement confié dans la soirée à un ancien Premier ministre, Wilfried Martens, 72 ans, la mission d'«explorateur», qui consiste à mener des consultations pour tenter de former un nouveau gouvernement. «Le roi l'a chargé d'une mission d'exploration afin de trouver rapidement une solution à la crise politique actuelle. M.Wilfried Martens a accepté cette mission», indique un communiqué du palais. M.Leterme, qui avait jeté l'éponge vendredi, après avoir été accusé de pressions sur la justice dans l'affaire de la banque Fortis, va désormais gérer les affaires courantes. Tout au long de la journée de lundi, l'hypothèse d'un retour à la tête du gouvernement belge d'un autre ex-Premier ministre, Jean-Luc Dehaene, avait pourtant été privilégiée par les médias nationaux. D'autres noms ont été avancés pour reprendre le flambeau, parmi lesquels l'ancien chef du gouvernement, Guy Verhofstadt, ou le libéral francophone, Didier Reynders, mais aucun n'a réussi jusqu'ici à faire l'unanimité parmi les partis de la coalition hétéroclite sortante, allant des chrétiens-démocrates, aux libéraux jusqu'aux socialistes. Les formations doivent aussi décider si elles optent pour des élections législatives anticipées, en juin prochain, couplées avec un scrutin régional et les élections européennes, afin de sortir ensuite le pays de l'état quasi permanent de campagne électorale qui, aujourd'hui, paralyse le Royaume. Dans ce cas, jugé le plus probable, le futur gouvernement ne serait que de transition pour quelques mois. D'autres plaident pour une équipe travaillant sur la durée. Wilfried Martens, un chrétien-démocrate flamand, comme Yves Leterme, a été chef du gouvernement belge de manière pratiquement ininterrompue entre 1979 et 1992. La désignation de ce revenant de la politique belge reflète les difficultés qu'éprouvent les partis politiques à se mettre rapidement d'accord sur un nom pour reprendre rapidement les rênes, ainsi que sur la durée du mandat de la nouvelle équipe. En Belgique, l'«explorateur» désigne une personnalité dépourvue d'ambitions personnelles et chargée de consulter les responsables politiques des différents partis pour tester différentes possibilités de coalition. C'est en pleine instabilité politico-sécuritaire qu'Israël fait pression sur le Royaume pour affirmer sa mainmise sur Jérusalem au point de ne plus craindre d'incident diplomatique avec la Belgique. Comment? Jusqu'à présent, il freinait les revendications immobilières de l'homme d'affaires israélien, David Sofer, sur la résidence consulaire belge à Jérusalem - la villa Salamé. Mais récemment, son ministère de la Justice a autorisé ce dernier à traduire la Belgique en justice afin qu'elle lui verse des années de loyer impayé. L'ambassadeur de Belgique, Bénédicte Frankinet, en a été informée la semaine dernière. M. Sofer pourrait engager la procédure dès janvier 2009. Or, pour la Belgique, il s'agit d'un problème politique. Cette villa a été construite dans les années 30 par le Palestinien, Constantin Salamé, dans la partie ouest de la ville qui allait devenir la Jérusalem israélienne en 1948. Avec la création de l'Etat juif, il la loue au consulat belge et part en exil. Israël, de son côté, s'en estime curateur, vu qu'il a confisqué les biens palestiniens abandonnés du côté juif de la ville. Mais la Belgique continue à payer un loyer aux Salamé à l'étranger. Au début des années 80, à l'insu de la Belgique, M.Salamé vend ses biens à l'Etat d'Israël, faisant promettre à celui-ci de céder la villa à M.Sofer, qui aurait promu le marché secret. L'Etat hésite à la mettre sur le marché privé, vu que la propriété est occupée par des diplomates. Fin 2000, toujours à l'insu des Belges, il cède la maison à M.Sofer, mais uniquement pour un bail de 98 ans, avec diverses conditions protégeant les locataires belges. En 2003, la Cour suprême rejette un appel de M.Sofer qui insiste pour obtenir la possession illimitée du bien. Depuis lors, l'affaire était en suspens, M.Sofer restant propriétaire emphytéotique, soumis à une clause restrictive selon laquelle il ne peut entamer aucune poursuite contre la Belgique sauf autorisation expresse du ministère israélien de la Justice. Entre-temps, depuis les années 80, la Belgique a cessé de payer tout loyer: les Salamé ne l'ont plus sollicitée et Israël, selon elle, n'y a pas droit. Car jusqu'à ce jour, la Belgique - comme toute la communauté internationale - refuse de reconnaître la mainmise d'Israël sur les avoirs palestiniens abandonnés à Jérusalem-Ouest. Pour elle, l'affaire est à régler dans le cadre d'un accord de paix qui résoudra la question de Jérusalem de façon globale et indemnisera tous les Palestiniens spoliés. Elle l'a déjà signifié à Israël par le passé. A présent, Israël a donc fait sauter la clause restrictive. Partiellement, du moins, car M.Sofer ne serait toujours pas autorisé à expulser les Belges de la villa. Mais il pourra s'attaquer au gouvernement belge pour obtenir des arriérés de loyer qui, selon l'homme d'affaires, se monteraient à 2 millions d'euros. Le bien vaudrait actuellement plus de dix millions d'euros.