Depuis jeudi, l'Espagne a passé le témoin à la Belgique pour présider l'Union européenne durant les six mois à venir, conformément au principe de la présidence tournante. Passage de témoin discret au possible. Et pour cause ! Le semestre s'annonce chargé en dossiers importants allant de la mise en place du nouveau service diplomatique européen à la supervision bancaire et financière. Ces deux dossiers en particuliers revêtent un caractère d'urgence pour les 27, tant l'Union a été secouée d'abord par la crise mondiale, puis par la crise des déficits budgétaires et s'est rendue compte de son peu de poids dans les grands conflits et débats mondiaux, incapable qu'elle a été jusqu'ici de parler d'une seule voix. Les divergences de vue sur certains dossiers importants entre Paris et Berlin, considérés comme le moteur de l'Europe, n'est pas fait pour simplifier les choses. Pire encore, la Belgique qui a hérité de la présidence depuis jeudi dernier est elle-même en pleine crise politique depuis les dernières législatives sanctionnées par une victoire des indépendantistes néerlandophones. Les pourparlers engagés pour la formation d'un nouveau gouvernement en Belgique ne pourront aboutir, au mieux, qu'au début du mois d'octobre, après la rentrée parlementaire. Jusque-là, c'est donc un gouvernement démissionnaire, chargé de la liquidation des affaires courantes, qui présidera aux destinées de l'Europe, avec ce que cela implique comme déficit de légitimité. La situation est sans précédent si l'on excepte la présidence tchèque de l'Union marquée, elle aussi, par une crise gouvernementale. Autre fait original de cette présidence, le même pays prend la présidence de l'Union et se trouve à la présidence permanente du Conseil européen, puisque le président en exercice, Hermann Von Rompuy, est de nationalité belge. C'est une grande opportunité qui s'offre d'ailleurs à ce dernier pour imposer un tant soit peu sa marque à la marche de l'Europe, lui à qui on reproche sa trop grande discrétion et son peu de consistance. En effet, au moins jusqu'à la désignation d'un nouveau gouvernement en Belgique, Van Rompuy aura toute latitude de conduire les affaires européennes, le gouvernement belge ayant décidé de faire preuve de discrétion et n'ayant pas prévu la moindre initiative notable lors de la présentation de son programme pour la présidence de l'Union. Yves Leterme, Premier ministre belge sortant, ne s'en est d'ailleurs pas caché, ayant d'emblée promis une présidence “modeste”. Il entend s'effacer au profit du président permanent du Conseil européen, son compatriote, et de la haute représentante pour les Affaires étrangères, la Britannique Catherine Ashton. Yves Leterme prend ainsi les devants pour éviter d'essuyer les échecs de la présidence espagnole dus à la décrédibilisation d'un gouvernement affaibli par la situation économique et sociale de l'Espagne, qui s'est dégradée dans la foulée de la crise grecque. Il faut dire cependant que depuis l'entrée en vigueur du traité de Lisbonne, la présidence de l'Union prend de moins en moins d'importance et ne fait plus courir les capitales européennes, comme ce fut le cas par le passé. Le moins qui puisse être dit néanmoins est que, hasard de calendrier, c'est un pays malade qui est appelé à présider une union loin de baigner dans l'optimisme et la sérénité.