La demande exprimée en matière de logements est de 80.000 unités. 1200 autres sont actuellement squattés. Le taux d'occupation ne dépasse pas les 67,4%, soit l'un des plus faibles à l'échelle nationale. Paradoxal est l'état général de la politique de l'habitat et de l'urbanisme dans la wilaya de Tizi Ouzou. Ce constat se dégage du bilan livré par la direction de l'urbanisme, lors de la dernière session d'automne de l'Assemblée populaire de wilaya. Les techniciens de l'urbanisme ont qualifié le plan d'aménagement du territoire de la wilaya élaboré en 1990 d'obsolète et inefficace. Les chiffres démontrent, non seulement, de flagrantes approximations mais, également, une absence totale de perspectives et de politiques à moyen et long termes. Ainsi, après la sonnette d'alarme tirée quant à l'insuffisance du programme de logements attribués à la wilaya, on note un fait invraisemblable: près de la moitié des logements livrés se trouve inoccupée. En effet, seuls 184.285 logements sont occupés sur les 273.241 livrés. Tizi Ouzou enregistre ainsi le taux d'occupation le plus faible au niveau national avec seulement 67,4%. Sur un autre plan, la wilaya compte quelque 88.956 logements de propriété privée répartis majoritairement dans les zones rurales. Quant à la commission aménagement du territoire, après examen de certaines donnes, elle se résignera, enfin, à la fatalité de lier la problématique de l'habitat à celle de la population. Après examen, il a été constaté que le programme de 48.278 logements en cours concerne une population évaluée sur la base d'un taux d'occupation moyen par logement (TOL) de cinq, soit 21,55% de la population globale. Paradoxalement, affirme la commission, la demande en logement social avoisine les 52.000 demandeurs. En location-vente, ils sont 10.000 à y postuler alors qu'ils sont 18.000 en logement participatif, soit un besoin total de 80.000 logements. De paradoxe en paradoxe. 1200 logements sont actuellement squattés sous le regard impuissant des autorités. A rappeler également, à cet effet, que la justice a déjà prononcé 847 décisions d'expulsion qui demeurent, à ce jour, inexécutées. Ces chiffres donnent le tournis aux membres de la commission aménagement du territoire. Pour y remédier, les experts préconisent, dans un premier temps, une étude sociologique du problème. Quelles sont les raisons ayant amené la population à exprimer une si importante demande de logements et laisser en même temps, près de la moitié vacants? Une question pertinente qui, même si la commission a convenu de donner des orientations techniques pour la réalisation de ce programme, au demeurant amoindri pas pour autant l'acuité du paradoxe, reste sans réponse. Car l'encouragement des investisseurs et la formation des métiers manuels favorisant l'émergence d'une main-d'oeuvre qualifiée ne seraient que des vecteurs d'une dynamisation de la construction. Mais, semble-t-il, l'accomplissement de ce projet de 80.000 logements ne changerait rien à la vacuité d'une grande partie d'entre-deux. D'autres experts préconisent d'autres angles de vision, notamment la sociologie de la région, l'histoire du peuplement et de l'état économique de la wilaya. D'autant que les plans successifs de développement et de l'aménagement urbain derniers (Pdau et POS) n'ont pas survécu longtemps. Depuis les années soixante, une multitude de plans ont été élaborés et laissés à l'abandon pour les mêmes raisons. Certaines voix s'interrogent sur la nécessité d'aplatir la dichotomie entre le monde rural et le monde citadin. Car, en effet, les logements inoccupés ne se trouvent pas uniquement en ville mais aussi dans les zones rurales. Les responsables du pays devraient, en fait, pour l'élaboration de plan d'aménagement et d'urbanisme, prendre en compte les spécificités de la population de la région. Savoir si celle-ci désire s'établir dans des cités ou bien dans les villages était important, contrairement à l'idée répandue pendant les deux premières décennies de l'Indépendance. Ainsi, parmi les raisons importantes qui participent à l'émergence du phénomène de la vacuité des logements, la tendance de la population de la wilaya à l'émigration. Les membres de la commission ont, d'ailleurs, soulevé ce fait. Mais il convient tout de même de signaler que l'émigration pour cette population rurale est segmentée en deux importantes tendances. Tandis qu'une grande partie opte pour un mouvement vers d'autres régions d'Algérie, une autre choisit de s'établir à l'étranger. Ce mouvement qui se répercute grandement sur l'état urbanistique de la wilaya s'est renforcé, cependant, après l'apparition de la loi, en France, sur le regroupement familial à la fin des années soixante-dix. Une grande partie de familles a de ce fait abandonné les habitations et les logements. Quelques années plus tard, une autre génération prendra le large vers d'autres cieux. Si le phénomène de l'émigration joue grandement dans l'apparition de ce phénomène, il est à signaler aussi d'autres facteurs comme la sociologie de la région. Ancrée depuis des siècles dans la vie rurale, la famille ne se sépare pas aisément de sa demeure dans le village. Les us et rites traditionnels aidant, cette population garde jalousement son caractère rural même installée en ville, pour des raisons souvent professionnelles. C'est pourquoi, depuis l'Indépendance, les familles qui se sont établies en ville n'ont pas encore adopté un mode de vie citadin. Elles continuent encore de vivre à mi-chemin entre la ruralité ancestrale et l'urbanité. Elles n'ont pu ni réussir cette opération ni s'intégrer dans un monde citadin structuré des siècles durant. D'où la véracité des critiques portées sur la politique d'urbanisation des années post-indépendance. En effet, il y a eu tant de tentatives de créer des villes nouvelles à partir de l'idée que les populations algériennes pouvaient être réunies dans des cités urbaines communes. Faisant fi des spécificités sociologiques et linguistiques des populations, les pouvoirs publics n'ont récolté qu'anarchie et charivari, ayant fini même par porter atteinte aux spécificités des villes historiques d'Algérie. Car, affirment les spécialistes de l'urbanisme, la population de la ville de Tlemcen, à titre d'exemple, ne pouvait pas être mêlée à celle de Ghardaïa. Ces deux cités millénaires ont une histoire et une sociologie bien spécifiques. Sur un autre plan, la wilaya de Tizi Ouzou se distingue par l'absence d'activité industrielle capable de réunir des populations entières aux alentours des sites. Les seules activités qui restent sont le commerce et les services. Ce fait contribue à une décentralisation accrue favorisant l'émergence de petites villes et de grands villages. Dans ce sens, une dizaine de villes moyennes commencent à se développer à l'instar de Azazga, Draâ Ben Khedda, Tigzirt, Tadmaït, Draâ El Mizan et bien d'autres encore. Ce mouvement de recul par rapport aux villes se caractérise par la diversification des activités commerciales et des services avec le désir de se rapprocher du consommateur. Le transport assuré, les villages commencent aussi à atteindre une certaine autosuffisance en matière de commerces comme l'agroalimentaire, l'électroménager et les matériaux de construction. Les services enjambent le pas et l'on voit des cybercafés pousser comme des champignons à travers tous les villages de la wilaya. Ainsi, avec les moyens de la vie moderne, cette dichotomie ville-campagne tend à s'aplanir. D'où la diminution du besoin de se rapprocher de la ville. Toutes ces conditions ont participé à laisser près de la moitié des logements inoccupés, en ville comme dans les villages. Il apparaît ainsi que le paysage urbanistique de la wilaya de Tizi Ouzou reste entièrement à faire. Les pouvoirs publics, pour élaborer des plans d'aménagement urbain et des plans d'occupation des sols, devraient prendre en compte les spécificités historiques, géographiques, sociologiques, linguistiques et économiques de la population. La forte demande d'aide à l'autoconstruction dans les zones rurales qui s'élève à 30.000, informe, si besoin est, du refus de se détacher du village. L'autre besoin exprimé, et qui est de 180.000 autres demandes, ne mentionne pas l'origine des postulants. En conséquence, en plus des spécificités inhérentes à la population, il serait indispensable de connaître les mouvements et les besoins qui les provoquent. Donner une vocation économique stable et étudiée pour le long terme serait un facteur déterminant dans la solution à apporter à ce paradoxe.