Les frémissements d'une volonté de procéder à l'abolition de la peine de mort sont palpables. La question de la suppression de la peine capitale, portée à bout de bras depuis des années par Me Ali Yahia Abdennour, est à nouveau remise sur le tapis. Depuis, le groupe parlementaire du RCD, Farouk Ksentini, Abderrahmane Chibane et Abdelaziz Belkhadem se sont invités à ce débat qui prend de plus en plus d'ampleur. Il intervient à la veille d'un rendez-vous politique déterminant pour le pays: il s'agit de l'élection présidentielle. Aussi, le débat sur l'abolition de la peine de mort fait figure de débat de précampagne présidentielle. Donnera-t-il un élan, le souffle nécessaire à une échéance électorale majeure qui risque fort de ronronner même si des sujets aussi prioritaires tels que les problèmes du logement, du chômage et du pouvoir d'achat risquent bien fort de l'emporter? Le président d'honneur de la Ligue algérienne des droits de l'homme (Ladh), livrera-t-il un de ses derniers combats? Le travail qui se fait quelque peu en sourdine, a été rendu public par le RCD. Le groupe parlementaire de la formation de Saïd Sadi a déposé un projet de loi qui consiste à abolir la peine de mort. C'est le député Ali Brahimi qui a été chargé d'en donner lecture à l'APN en faisant référence au droit national et international. Saïd Sadi qui est intervenu lors du colloque sur l'abolition de la peine de mort, organisé par son parti en décembre 2008, avait tenu à préciser qu'«à l'exception des USA, la peine capitale qui soulève à la fois des questions philosophiques, politiques et religieuses, a été abolie par tous les pays qui ont enregistré des avancées en matière de démocratie sociale et politique. Dans de nombreux pays du Sud, la peine capitale sert plus à neutraliser des adversaires politiques qu'à protéger la société». En dehors du cadre institutionnel dans lequel a été projeté le débat sur la peine de mort, des juristes de renom n'ont eu de cesse d'en faire leur cheval de bataille. «Nous continuerons à demander l'abolition de la peine de mort, qui est, à mon avis, désuète et gagnerait à être remplacée par d'autres peines de substitution», a notamment souligné le président de la Commission nationale consultative de promotion des droits de l'homme (Cncppdh) Maître Farouk Ksentini. «L'Algérie doit aller vers l'abolition de la peine capitale, si elle veut être dans son temps et se hisser parmi les pays avancés dans le respect des droits de l'homme», a renchéri son confrère Miloud Brahimi. La position de la Ligue algérienne des droits de l'homme est aussi sans ambiguité, elle est tranchée depuis fort longtemps. Ali Yahia Abdennour et Mustapha Bouchaoui se prononcent à l'unisson: «Les peines capitales n'ont jamais atténué le crime», ont catégoriquement affirmé les deux défenseurs des droits de l'homme. Les oulémas ne l'entendent pas de la même oreille. Leur réaction a pris des allures de fetwa: «Celui qui pense qu'un verdict humain est meilleur qu'un verdict divin, est un apostat. Il doit divorcer d'avec sa femme musulmane et être enterré dans le cimetière des apostats», a sèchement répliqué le président de l'Association des oulémas musulmans algériens, le cheikh Abderrahmane Chibane. Le débat est loin d'être serein et le fait que d'aucuns estiment qu'il peut déraper à tout moment, n'est pas de bon augure pour la suite des événements. Et nos hommes politiques qu'en pensent-ils? L'un des premiers à réagir à la question n'est autre que le secrétaire général du Front de libération nationale: «Nous ne pouvons aller contre un verset coranique. Je respecte ceux qui sont pour la peine de mort, mais je ne partage pas leur position», a dit dans une courte déclaration M.Abdelaziz Belkhadem. Sur le terrain, c'est le statu quo. Aucune exécution n'a été pratiquée depuis que le président de la République avait proclamé un moratoire en 1993. 115 condamnations à mort ont été commuées en détentions à vie par le chef de l'Etat, M.Abdelaziz Bouteflika. Les frémissements d'une volonté de procéder à l'abolition de la peine de mort sont palpables. Le prochain président de la République, qui sera élu en avril 2009, rentrera dans l'histoire en prenant une telle décision, aussi impopulaire soit-elle.