Il y aura une mobilisation «sans équivalent depuis longtemps», «spectaculaire», allant «bien au-delà» de celle des dernières années. La France sera paralysée aujourd'hui par une grève qui touchera tous les secteurs d'activité, d'ores et déjà qualifiée de «jeudi noir» par la mobilisation exceptionnelle annoncée. Donc, ce «jeudi noir» constitue un vrai test qui met aux prises le monde syndical français et le locataire de l'Elysée, Nicolas Sarkozy. Aucune des deux parties ne veut être le dindon de la farce. Les syndicats misent sur une mobilisation d'une rare ampleur qui s'annonce forte dans de nombreux secteurs de la Fonction publique. Dans les transports, l'éducation nationale, la poste, mais aussi la justice, etc. On annonce une «paralysie générale.» Peu de trains seront en circulation sur le réseau Sncf. Pas beaucoup de métros à la Ratp, ni d'autobus à Paris ou en région parisienne: des préavis de grève ont été déposés dans 77 réseaux de transports en commun sur 137, selon l'Union des transports publics et ferroviaires (UTP). Du jamais-vu...ou presque. Il s'agit d'une mobilisation «sans équivalent depuis longtemps», «spectaculaire», allant «bien au-delà» de celle des dernières années, a déclaré Bernard Thibault, secrétaire général de la CGT, dans Le Parisien publié hier. Des mesures urgentes en faveur de l'emploi, des rémunérations ainsi qu'une politique de relance économique, sont attendues ou doivent être prises. 69% des Français soutiennent ou «ont de la sympathie» pour ce mouvement syndical, selon le sondage CSA, tandis que 75% le trouvent «justifié» renchérit un sondage Ifop. Un grand nombre de grèves et de manifestations sont donc attendues aujourd'hui en France. Cette journée s'ajoute, indubitablement, à la liste des journées sombres qui ont jalonné l'histoire sociale en France. Le gouvernement Sarkozy sera, une fois de plus, mis devant ses responsabilités. Il sera contraint de prendre des mesures à la hauteur «de la crise et d'infléchir sa politique en direction des salariés», revendiquent les syndicats. Ceux-ci, sans exception, même les plus modérés, «exigent» une relance par la consommation. Sarkozy lui-même sera attendu au tournant. Les syndicalistes décrient sa politique jugée plus européenne que française. La nouveauté dans ce mouvement est que nombre de syndicalistes estiment qu'une seule journée ne suffira pas et parlent de prolonger le mouvement. «Si le gouvernement n'entend rien et n'écoute pas, il y aura des suites», prévient Jean-Claude Mailly, SG de Force ouvrière. François Chérèque, dirigeant de la Cfdt, conseille au pouvoir d'entendre ce «cri de colère». Du côté du staff gouvernemental, les réponses diffèrent. Dans une intervention sur France 2, le Premier ministre, François Fillon, a estimé mardi que le rôle du gouvernement «c'est pas de faire des gestes, surtout dans une situation comme celle-la. C'est de tenir le cap de la réforme, de regarder parmi les dispositions qui sont mises en oeuvre dans les autres pays, ce qui fonctionne et ce qui ne fonctionne pas». Et pour apaiser la tension du corps syndical, M.Fillon trouve normal que «les Français soient inquiets et c'est normal que ceux qui souhaitent défiler, défilent». De quelle «normalité» le numéro deux du gouvernement français parle-t-il? M.Fillon s'est ainsi montré hostile à une relance par la consommation, réclamée également par le Parti socialiste de Martine Aubry. Le nouveau ministre du Travail, Brice Hortefeux, a affirmé qu'il serait «personnellement attentif aux messages qui seront développés». Quant à Eric Woerth, ministre du Budget et de la Fonction publique, il a émis des réserves sur les grèves: «Pas nécessairement la meilleure réponse.» Ce que conteste la première secrétaire du PS, Mme Aubry, laquelle est une fois de plus pointée du doigt, accusée de jouer un rôle d'«agitateur social». La journée de grève d'aujourd'hui, capitale pour les syndicalistes, est une «poussée de fièvre», un mouvement «politique», et «sans revendication clairement identifiée», pour Jean-Pierre Raffarin, ancien Premier ministre de Jacques Chirac.