La maison a connu des hauts et des bas depuis sa création à nos jours, devient-elle aujourd'hui le vrai porte-parole des travailleurs? La question reste posée. La maturation politique et sociale des travailleurs algériens a été bel et bien le premier pilier ayant fondé la maison Ugta. La première révolte syndicale contre le colonisateur fut la grève des ouvriers agricoles de la région de Skikda. Une action qui a été violemment réprimée. L'ordonnance du 7 mars 1944 est venue accorder aux Algériens certains droits et notamment le droit d'association qui favorisa l'essor du mouvement syndical, aux prises jusqu'en 1947, avec les autorités coloniales dont la répression toucha tous les secteurs d'activité : ports, mines, chemins de fer, banques, bâtiment, agriculture... L'autonomie du mouvement syndical des travailleurs algériens fut définitivement consacrée par sa participation au Congrès de la Fédération syndicale mondiale (FSM) qui s'est tenu en septembre 1953 à Vienne, en Autriche. Ce même mouvement est appelé à être impliqué directement dans la révolution déclenchée le 1er novembre 1954. C'est dans ce contexte que naquit l'Ugta, le 24 février 1956, en pleine guerre de Libération, avec l'objectif clairement déclaré de mobiliser les travailleurs pour lutter contre le colonialisme et son injustice. La répression ne s´est pas fait attendre. Dès mai 1956, les principaux leaders sont arrêtés. Les secrétaires nationaux ainsi que Aïssat Idir, secrétaire général et premier homme de la Centrale syndicale, sont emprisonnés et les militants pourchassés. L´Ugta poursuivit la résistance en plongeant dans la clandestinité et en élisant domicile à Tunis. Elle apporta une extraordinaire contribution à la mobilisation et à la réussite de la grève des huit jours, en 1957. Après l'indépendance du pays, l'Ugta s'est trouvée investie d'un nouveau rôle auquel elle s'est rapidement adaptée. Il a fallu se consacrer au redressement du pays dévasté par sept années d'une guerre implacable et détruit par les actions de la terre brûlée des ultras de l'OAS. Des efforts ont été consentis de part et d'autre tentant de neutraliser l'Organisation, notamment par une stratégie qui consiste à détruire son atout majeur, l'autogestion. L'Ugta réagira en lançant une série de grèves baptisées «grèves gestionnaires». Le 1er Congrès de l'Ugta a eu lieu du 17 au 19 janvier 1963. Il intervient dans un moment de tergiversations avec les pouvoirs publics. Le Congrès sera marqué par un coup de force qui se traduira par l'installation d'une direction «fabriquée», mais aussi par la suspension du journal appelé l'Ouvrier algérien. A partir du 19 juin 1965, on retrouvera l'Ugta dans le sillage des options des pouvoirs publics de l'époque. Le 8e Congrès qui s'ouvre en juin 1990 a été qualifié de tournant décisif dans l'histoire de l'Ugta dans la mesure où, à l'unanimité, les participants aux assises ont décidé de rompre avec toutes les tutelles, quelles qu'elles soient et d'où qu'elles viennent. Cette «libération» de l'organisation syndicale se traduisit rapidement sur le terrain des luttes sociales et économiques. A titre indicatif, en réponse au mot d'ordre lancé par la direction issue du 8° Congrès, un mouvement de grève fut déclenché les 12 et 13 mars 1991, suivi à plus de 90% dans toutes les branches d'activité. Le mouvement gagna en vigueur et quatre jours après, les travailleurs occupent les lieux de travail et dénoncent «le non-respect des engagements du gouvernement contractés en octobre 1990». Le pays entier est ainsi paralysé avec les grandes infrastructures à l'arrêt comme les ports, aéroports et les différents pôles industriels. A la faveur de cette action, l'Ugta s'engage, dès le début avril, dans un processus de pourparlers avec le gouvernement Hamrouche. La délégation syndicale a été conduite à l'époque par le défunt Abdelhak Benhamouda. Les discussions aboutirent à la revalorisation du Snmg, l'augmentation des allocations familiales, l'assainissement financier des entreprises, l'approvisionnement en produits de large consommation, la stabilisation des prix et l'approvisionnement des entreprises en matières premières. Très chère victoire pour les travailleurs. La victoire a été gâchée après l'assassinat du leader, Abdelhak Benhamouda, froidement abattu par des terroristes sur le parvis de la Maison du Peuple le 28 janvier 1997. La Commission exécutive nationale (CEN) désigne Abdelmadjid Sidi Saïd en tant que secrétaire général par intérim. Le secrétaire général actuel a pris donc les commandes tentant de passer par le même canal que celui de ses prédécesseurs. La Centrale syndicale tente aujourd'hui d'adapter ses objectifs et ses méthodes aux équilibres macroéconomiques. L'Ugta n'a donc pas dissimulé sa couleur, elle s'est plutôt nettement prononcée contre l'ultra -libéralisme et pour une économie sociale de marché. Après donc un long parcours, ce syndicat qui rassemble plusieurs fédérations, toutes activités confondues, se trouve aujourd'hui pris en tenaille entre la nécessité de répondre aux réclamations de la base et l'importance de constituer un allié infaillible du gouvernement. Pour quoi optera donc Sidi Saïd, l'équation n'est pas facile à résoudre.