Le Premier ministre turc, Recep Tayyip Erdogan, a administré jeudi une leçon de courage politique à ses pairs arabes. L'inqualifiable agression d'Israël contre la population palestinienne de la bande de Ghaza, a eu jeudi de nouveaux prolongements au Forum de Davos. Il est très rare en effet de voir dans de telles rencontres, fréquentées par des chefs d'Etat, un responsable de haut niveau dire son fait à un de ses pairs et cela en public. C'est ce qu'a fait jeudi, le Premier ministre turc, Recep Tayyip Erdogan, lequel mis en fureur par les propos du président israélien, Shimon Peres, qui justifiait les crimes de l'armée israélienne dans la bande de Ghaza, a dit son fait à ce dernier. Rouge de colère, il quitta immédiatement la table de conférence tant en contestation des paroles inacceptables du président israélien, que du fait d'avoir été empêché de répondre par l'animateur du débat. Un fait rarissime dans des rencontres de ce niveau aussi policées que feutrées que celles organisées par le Forum de Davos. M.Erdogan avant de quitter la table à déclaré trouver «(...) très triste que des gens applaudissent parce que beaucoup de gens sont morts. Je pense qu'ils ont tort d'applaudir des actions qui ont tué des gens», faisant allusion au drame de Ghaza, thème du débat, et au fait que l'assistance ait applaudi les propos, insoutenables, du président israélien qui légitimait les crimes de l'armée de son pays. Apostrophant ce dernier, le Premier ministre turc lui a lancé: «Je pense que vous devez vous sentir un peu coupable. C'est pourquoi vous avez parlé si fort». Et d'accuser «Vous avez tué des gens. Je me souviens des enfants qui sont morts sur des plages». Auparavant, le président israélien, Shimon Peres, a fait un plaidoyer légitimant les crimes de guerre et les crimes contre l'humanité que l'armée israélienne venait de commettre, durant 22 jours, contre les enfants, les femmes et les civils de Ghaza. S'adressant au chef du gouvernement turc, Shimon Peres, élevant la voix et le montrant du doigt, lui demande «comment celui-ci réagirait si des roquettes s'abattaient chaque nuit sur Istanbul». Alors qu'il se préparait à répondre à Shimon Peres, l'animateur du débat l'a interrompu ne le laissant pas poursuivre. Ce qui mit encore davantage en courroux le Premier ministre turc, d'autant que, alors que chaque participant a eu droit à 12 minutes de paroles, le président israélien s'en est vu attribuer 25, disant tout ce qu'il voulait dire, ce qui n'a pas été permis à M.Erdogan. Par une cinglante affirmation, celui-ci a ainsi a dit «M.Peres ne s'adresse pas à un chef de tribu. Il doit apprendre comment parler à un Premier ministre de la République de Turquie». Alors que le peuple turc l'accueillait comme un héros à son retour à Ankara, le président turc, Abdullah Gül, cité par l'agence turque Anatolie, a félicité son Premier ministre affirmant: «Si on manque de respect à l'égard d'un Premier ministre turc, celui-ci ne va pas l'avaler. Il a fait le nécessaire.» La Turquie, pays musulman mais Etat laïque, est le principal allié régional d'Israël, Ankara prenant l'initiative d'une médiation entre la Syrie et l'Etat hébreu dans la perspective de faire revenir les deux parties à la table de négociation. Evidemment, le mouvement islamiste palestinien, Hamas, s'est félicité de la ferme réaction de M.Erdogan, et sa colère envers le président israélien, qui indiqua dans un communiqué de son porte-parole, Fawzi Barhoum que «Le Hamas rend hommage à la position courageuse du Premier ministre turc Recep Tayyip Erdogan qui a défendu en direct à Davos les victimes de la guerre sioniste criminelle contre nos enfants et nos femmes à Ghaza, au visage du mal sioniste Shimon Peres». «Nous considérons son départ de la salle comme une expression de soutien aux victimes de l'holocauste perpétré par les sionistes», a-t-il ajouté. Le débat, dont le thème était consacré à Ghaza eut lieu en présence du secrétaire général de l'ONU, Ban Ki-moon et du secrétaire général de la Ligue arabe, Amr Moussa. Ce dernier, assis à la droite du président israélien, était enfoncé dans son fauteuil et muré dans un mutisme qui en dit long quant à la démission arabe face à la tragédie palestinienne. C'est tout de même singulier que ce soit un Turc qui dise ce que l'on aurait aimé entendre de la bouche d'un Arabe soi-disant préoccupé du sort fait aux Palestiniens. M.Moussa n'eut même pas ce simple courage politique de dire ce que, en quelques mots, le Premier ministre turc a su exprimer avec élégance au président israélien. L'apathie dont a fait montre le secrétaire général égyptien de la Ligue arabe - faut-il plutôt dire de la Ligue égyptienne? - résume en fait l'échec de la politique et de la diplomatie arabes alors que le peuple palestinien endure ces épreuves depuis 61 ans. Des présidents à l'instar du Vénézuélien Chavez, du Bolivien Morales, de l'Iranien Ahmadinejad ont su avoir les mots pour dire le drame palestinien quand leurs homologues arabes faisaient profil bas. A Davos, Amr Moussa a eu l'attitude défaitiste devenue la marque des dirigeants arabes. En tant qu'Algérien, on ne peut se reconnaître dans ce Monsieur, semblant plus représenter les positions de son pays - qui a des relations diplomatiques avec l'Etat hébreu - que celles des 20 autres pays arabes théoriquement en guerre avec Israël, qui n'a eu ni les mots, ni les élans du coeur pour dire la tragédie qu'Israël impose depuis des décennies au peuple palestinien. A Davos, il y eut l'humiliation de trop pour les Arabes quand celui censé les représenter s'est surtout appliqué à ne pas faire de vagues, observant un silence honteux. Peut-on dès lors s'étonner que les Arabes, incapables de défendre leurs droits les armes à la main, sont aussi inaptes aux joutes oratoires pour dire leurs droits face à Israël? De fait, le silence de Amr Moussa est en l'occurrence éloquent quant à l'impuissance arabe sous toutes ses formes.